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Quelques remarques sur le Projet de loi de Financement de la Sécurité Sociale 2023

Il ne s'agit pas là d'une analyse complète mais plutôt d'une lecture rapide de l'ensemble en développant les commentaires sur certains articles plus ou moins symboliques.
En préalable, rappelons que cet exercice annuel de débat sur la loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) est un exercice antidémocratique et tronqué : antidémocratique, car cela ne laisse pas aux salariés la gestion de cette fraction de leur travail consacrée à la solidarité et tronqué car le débat ne porte pas sur les recettes et sur la nécessaire augmentation des cotisations patronales qui serait nécessaire pour faire face aux besoins de la population. Précisons pour celles et ceux qui mettent en avant les toutes petites entreprises qu'une telle augmentation pourrait être modulée en fonction des politiques d'emploi et environnementales des entreprises, histoire de prendre l'argent là où il est et de pousser à la réorientation d'une économie plus vertueuse !

Notons que dans les prévisions pluriannuelles (en annexe au PLFSS), le gouvernement ne prévoit pas d'augmentation du SMIC autre que légale et confirme que l'augmentation des prestations a un an de retard sur l'inflation : il va falloir, après le succès des manifestations du 29 septembre, accroitre encore le niveau de pression pour porter l'exigence de l'augmentation des salaires et retraites !

Ne pas augmenter les recettes est un tel credo pour le gouvernement qu'il a trouvé un artifice pour diminuer le déficit de la branche maladie et atténuer l'excédent de la branche famille : le transfert des indemnités journalières de congé de maternité post natal à la branche famille. Pourtant, la politique familiale aurait bien besoin de ces excédents ! Ne serait-ce que pour redonner des marges de manœuvre à une action sociale locale, revitalisant une démocratie de proximité et permettant de rendre un peu de souffle à des initiatives locales comme les centres sociaux par exemple.

La politique familiale est l'occasion pour le gouvernement d'utiliser une véritable imposture sémantique : il prétend mettre une pierre à l'édification d'un service public de la petite enfance en solvabilisant mieux le complément du libre choix de garde (CMG) pour les familles ayant recours à un accueil individuel. Si l'intérêt de cette mesure est évidente précisons d'emblée qu'elle ne sera mise en vigueur que dans le second semestre 2025. En gros il s'agit pour l'instant d'un coup de com. gratuit ! Mais cet article confirme la notion que peut avoir le gouvernement d'un service public ! Si cet accueil individuel est nécessaire, en particulier pour les personnes ayant des horaires atypiques, il peut, par exemple,  être réalisé dans le cadre d'une crèche familiale, gérée par une mairie, intermédiaire entre la famille et la nounou, salariée par la ville, avec cet avantage extraordinaire d'une garantie de continuité, évitant des appels au secours "la nounou est malade" et intégrant l'assistante maternelle dans une équipe. Or là, le gouvernement se contente de faire payer par la sécu le service d'une personne isolée ! Cela dénote une conception totalement erronée de service public (on la voit déjà dans le rapport Libault "Vers un service public territorial de l'autonomie") où il ne s'agirait que d’agréger des services réalisés par des personnes ayant des statuts divers, proches de l'auto-entrepreneuriat, une véritable uberisation, privant ceux qui rendent ces services et ceux qui les utilisent des qualités de ce qui fait le service public : un statut protecteur, mais aussi exigeant pour les personnels, la notion de collectif de travail, la continuité ... bref, ce qui assure la qualité pour les bénéficiaires sans parler de l'absence de lien financier direct ... ce qui est bien utile éthiquement.

Passons sur les retraites : la mobilisation contre le recul de l'âge de la retraite prive pour l'instant le gouvernement de la possibilité de traduction législative dans le PLFSS de ses volontés malfaisantes.
En ce qui concerne la branche AT/MP, le gouvernement semble découvrir le monde agricole !

Pour la branche autonomie, cette nouvelle branche créée en dehors des principes mêmes habituels de la Sécurité Sociale, on notera qu'il aura fallu le scandale ORPEA pour que des mesures de contrôle soient envisagées !
L'article 34 permet de donner 2 h de plus de temps d'accompagnement par semaine aux personnes âgées : la mise en place s'effectuera de 2024 à 2028 ! Et il semble ignorer qua dans de trop nombreux cas, le temps d'aide à domicile alloué par le conseil départemental est bien inférieur aux besoins : il ne s'agira pas que de temps d'accompagnement !

Venons en à la branche maladie ! L'avantage pour le gouvernement de sa présentation fragmentée de l'ONDAM (Objectif National des Dépenses d'Assurance Maladie) 2022, c'est que cela lui permet d'annoncer une soit-disant augmentation de l'ONDAM de 3,7% alors qu'il s'agit en fait d'une baisse à 0,8%. De 11,5 Md € consacrés au COVID, on passe à 1 Md.
Bonne nouvelle apparente : l'ONDAM hospitalier augmente d'un peu plus de 4 Milliards d'€. Mais c'est une bonne nouvelle tout à fait relative. la Fédération Hospitalière de France a fait ses comptes : cela ne suffira pas à compenser toutes les mesures de revalorisation salariale décidées par le gouvernement et encore moins l'inflation ! La situation financière des hôpitaux ne s'arrangera donc pas alors même qu'il leur faudrait créer des emplois (100 000), montrer un signal visible pour donner l'espoir aux soignants d'un retour à des conditions de travail décentes et briser cette spirale mortifère de démissions du monde hospitalier.
Un mot sur la formation : il leur faudrait aussi une marge de manœuvre financière pour financer toutes les formations professionnelles souhaitées par les personnels (en cette période de pénurie d'infirmières, il est par exemple absurde qu'une aide soignante, admise à l'école d'infirmière, ne puisse bénéficier de cette promotion, faute d'argent).
Ce serait bien que dans le budget de l'Etat, une ligne spécifique abonde le budget des hôpitaux en ce sens, mais également pour financer un salaire aux étudiants des écoles paramédicales en échange d'un engagement de service public : cela préparerait l'avenir, aiderait les jeunes, éviterait des départs à l'étranger de jeunes formés !
Le gouvernement ne pouvait proposer de mesures d'économies aux hôpitaux : il les réserve à l'industrie pharmaceutique (et c'est bien, mais on en attendrait sans doute plus, et tout particulièrement pour la garantie de l'approvisionnement), à la lutte contre la fraude, à l'imagerie, à la biologie.
Il a trouvé une perle : le déremboursement des arrêts de travail en téléconsultation. Alors qu'il prône la téléconsultation partout, voilà que, quand cela peut entraîner des dépenses supplémentaires, on arrête ! Au delà de cette contradiction caricaturale, c'est la solution apportée à des dérives qui interpelle. On va pénaliser celui qui n'arrive pas à trouver un médecin dans un délai compatible avec ses obligations vis à vis de son employeur alors même que c'est à ces dérives qu'il faudrait s'en prendre et plus largement à améliorer la qualité des prises en charge en téléconsultation. Les médias se sont fait écho, il y a peu, d'intervenants non qualifiés et un tout récent article de Médiapart (à trouver ici) donne un triste exemple de l'utilisation à but financier de la téléconsultation. Mais dans sa volonté de rendre source de profits (et de profits surtout pour les sociétés adossées aux marchés financiers, à la grande bourgeoisie comme la décrivait Michel Pinçon, récemment disparu) le système de soins et ici en l’occurrence la télémédecine, le gouvernement préfère pénaliser les utilisateurs.
D'ailleurs, dans l'article 28 de ce PLFSS, il construit un statut sur-mesure pour ces sociétés privées de téléconsultation alors que cela nécessiterait d'être dans le cadre d'un service public de soins de premier recours !

Car c'est bien un service public de premier recours qui est nécessaire : dans ce cadre on pourrait résoudre bien des questions autrement mieux qu'avec les gadgets de ce PLFSS comme la coordination des aides à l'installation.
Dans ce cadre, la quatrième année d'internat pour celles et ceux qui se préparent à la médecine générale relève de l'escroquerie intellectuelle ! Si la revalorisation de la médecine générale passe aussi par des études aussi longues que dans les autres spécialités, encore faut il que ce soit une formation, pas un travail à bas coup. Car c'est bien cela que veut leur demander le ministre de la santé : une année de stage supplémentaire, mal payée pour faire le travail dans des zones où il y a peu de médecins, dans une zone donc où leur maître de stage aura fort peu de temps à leur consacrer et ils seront bien plus mal payés que s'ils pouvaient s'installer ! C'est effectivement plus simple que de les envoyer exercer un an ou deux après leur formation dans une zone sous-dotée : on ne peut demander à un médecin de s'installer provisoirement ! Ah, s'il y avait un service public ! Notons au passage que l'on demande à des médecins de s'installer là où les autres services publics ferment : c'est un véritable problème d’aménagement du territoire).
Cette quatrième année d'internat est autant un gadget de communication que l'article 25 qui vise à interdire l’intérim en début de carrière, alors qu'une des meilleures manières de limiter l’intérim serait bien de mettre fin à cette concurrence scandaleuse du privé en allant vers l'égalisation des revenus entre le public et le privé, par de vraies négociations dans le public et par une réelle renégociation des conventions pour le privé et par un partage de la pénibilité en obligeant le secteur privé à venir participer à la permanence des soins dans le secteur public !
Il y aurait encore bien des choses à dire sur ce PLFSS, comme par exemple sur les examens de santé préventifs, intention louable, mais dont on peut se demander la portée vu la pénurie de professionnels et qui de toute façon ne remplaceront pas le drame de la casse de la médecine du travail, mais j'arrête.
Simplement un dernier point, qui peut paraître marginal, mais qui est symptomatique de l'état d'esprit de nos gouvernants : l'article 21 prévoit la prise en charge à 100% pour les transports préhospitaliers en urgence en échange d'une augmentation du ticket modérateur pour les transports programmés, un nouveau report sur les complémentaires santé et une nouvelle dépense pour ceux qui n'en ont pas.
Catégories : santé et protection sociale Lien permanent 0 commentaire

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