Le plan régional de santé (PRS) doit être
élaboré au premier trimestre 2018 par l'agence régionale de santé
(ARS). Un avant projet est mis en concertation dans les instances,
avec un cadre d'orientation stratégique pour dix ans et le schéma
régional (SRS) pour 5 ans.
Je me suis déjà exprimée sur le cadre d'orientation stratégique ici et ici. Le texte ci-dessous repose sur ma lecture du SRS. Il n'a pas pour but une analyse complète du document, mais simplement d'en dégager l'esprit et de citer quelques exemples démonstratifs. La synthèse de ce document est très difficile, comme si l'ARS avait pour but de masquer à travers des répétitions, des bonnes intentions et des propositions pointues sur quelques sujets le sens global de ce schéma : limiter les dépenses de santé et favoriser le développement du secteur lucratif de la santé. En effet, plutôt que d'assumer le rôle de représentant en région d'un état garant d'un bon service public de santé, stratège dans son développement, l'ARS se place en simple arbitre qui compte les points des initiatives privées. Cela va avec la dérive ultralibérale du gouvernement qui aimerait bien se limiter aux compétences régaliennes (armée, justice) pour se débarrasser de la compétence santé ! Avec toutes les conséquences en terme de développement des inégalités !
Je me suis déjà exprimée sur le cadre d'orientation stratégique ici et ici. Le texte ci-dessous repose sur ma lecture du SRS. Il n'a pas pour but une analyse complète du document, mais simplement d'en dégager l'esprit et de citer quelques exemples démonstratifs. La synthèse de ce document est très difficile, comme si l'ARS avait pour but de masquer à travers des répétitions, des bonnes intentions et des propositions pointues sur quelques sujets le sens global de ce schéma : limiter les dépenses de santé et favoriser le développement du secteur lucratif de la santé. En effet, plutôt que d'assumer le rôle de représentant en région d'un état garant d'un bon service public de santé, stratège dans son développement, l'ARS se place en simple arbitre qui compte les points des initiatives privées. Cela va avec la dérive ultralibérale du gouvernement qui aimerait bien se limiter aux compétences régaliennes (armée, justice) pour se débarrasser de la compétence santé ! Avec toutes les conséquences en terme de développement des inégalités !
La préparation du PRS a donné lieu à des
publications intéressantes que l'on peut trouver sur le site
de l'ARS.
Je ne résumerai pas la richesse de ces travaux. Juste deux remarques :
Ce diagnostic préalable à l'élaboration du PRS est sans appel sur les inégalités de santé : la mortalité est plus élevée dans le Grand Est qu'en France (815/100 000 habitants, versus 756 en France Métropolitaine) avec des inégalités intrarégionales importantes : 900 dans les Ardennes, 853 en Moselle, 846 dans les Vosges, 838 dans la Meuse, 819 en Haute Marne, pour ne citer que les départements où elle est la plus importante, 779 dans le Bas Rhin, au dessus encore de la moyenne nationale. Et les différences en terme de pyramide des âges ne peuvent suffire à l'expliquer.
La carte de la mortalité prématurée (décès avant 65 ans) est un peu différente et si la mortalité prématurée est supérieure dans le Grand Est à celle de la France métropolitaine, la superposition des zones plus claires avec la carte du régime local d'Alsace Moselle n'est sans doute pas un hasard : une bonne protection sociale est une bonne prévention ! (Et cela sans vouloir l'extension du régime d'Alsace Moselle au reste du territoire français ; on peut encore mieux faire si on veut !)
Ma deuxième remarque porte sur l'offre de soins. Sa faiblesse est notable à tel point qu'en parlant de la planification de l'offre hospitalière, la Cour des Comptes dans son rapport sur l'avenir de l'assurance maladie indique : « Elle pourra donc être plus exigeante en Provence-Alpes-Côte d’Azur dans les secteurs où l’offre de soins est abondante que dans le Grand Est où elle est plus rare. »
L'état des lieux mélange complètement public et privé : il est par exemple impossible de trouver dans ces documents le nombre d'EHPAD publics : il n'y a que des chiffres globaux. J'avais posé la question lors de la réunion du conseil territorial de santé n°1 (en gros l'ancienne Champagne Ardenne). J'attends toujours la réponse. Or l'on sait l'importance, en particulier en terme de prix de journée dans nos départements où tant de retraites ne permettent pas l'accès au secteur privé.
Le Schéma régional de santé, c'est 224 pages, sans les annexes. C'est pourtant dans les annexes que l'on trouve le concret, avec un inquiétant tableau récapitulatif tout à la fin des annonces de fermetures : 5 maternités de niveau 1 pourraient disparaître d'ici 2022, 2 de niveau 2A, 6 services de réanimation adulte ...
Deux structures d'urgence sont condamnées, dans les départements alsaciens.
Ces fermetures programmées ne sont sans doute que l' « avoué » par l'ARS. Car, quand on interroge des responsables sur l'avenir de la maternité de Sedan, n'apparaissant pas menacée dans ce SRS, la réponse est évidemment pour garantir la pérennité de cette maternité, puis pour rajouter une nuance : « sauf si on manque de médecins ! » Mais, officiellement, Sedan ne recrute pas d'anesthésistes, alors qu'ils sont déjà en nombre insuffisant !
Venons en au contenu même de ce SRS.
La première place est faite à la prévention. Pas question de critiquer cette place de choix, sauf que le contenu est désespéramment limité !
En ce qui concerne la médecine scolaire, le plan prévoit d'assurer 100% des examens médicaux obligatoires dans la 6ème année … dans des territoires prioritaires à définir. Cela veut dire que la loi ne s'applique pas actuellement dans la région et que le PRS ne prévoit pas de l'appliquer, sauf dans quelques territoires ! Quant à la méthode, elle laisse à désirer ! Car ce serait en mettant en place un partenariat formalisé avec les médecins généralistes (et d'autres : pédiatres, PMI). Passons sur le formalisme, qui n'a sans doute comme but que d'aider l'ARS à limiter d'éventuels recours juridiques pour qu'en fin de compte, la loi ne soit pas appliquée ! Mais notons que l'on va demander du travail supplémentaire à des médecins généralistes, alors que l'on sait que dans la plupart des territoires de la région ils ne sont déjà pas assez nombreux. Ce genre de sollicitation revient à plusieurs reprises dans le document !
Deuxième remarque sur la prévention : c'est avec amusement, teinté de colère que je lis comme objectif : « Mettre en place un programme de sensibilisation sur les perturbateurs endocriniens notamment en direction des femmes enceintes et en direction des futurs parents. » Il n'est pas question d'oeuvrer à une alimentation plus saine, à des cosmétiques moins toxiques en intervenant auprès des industriels. Non, on renvoie cela vers la responsabilité individuelle, avec tout ce que cela comporte d'inégalités sociales et culturelles !
Après la prévention, les soins de proximité. Pas un mot sur le développement nécessaire de centres de santé. Comme à la précédente CRSA (commission régionale santé autonomie) à laquelle j'avais participé, je suis intervenue sur ce sujet à la réunion du 17 octobre. Les réponses sont désespérantes, entre le représentant du monde libéral qui dénonce les 35 h d'un travail salarié (mais dit aussi que 50% des médecins formés dans le Grand Est quittent la région – cherchez l'erreur) et le directeur de l'ARS, qui, à la proposition d'adosser des centres de santé à des hôpitaux, répond sur la difficulté de faire faire autre chose que leur travail aux médecins hospitaliers (a-t-il compris que ceux-ci ont déjà trop de travail ?).
Très à la mode : les parcours ! Une exigence des malades qui n'en peuvent plus d'être mis à la porte de l'hôpital sans que leur médecin traitant ne soit en mesure de poursuivre les soins, faute de moyens et d'informations.
Et une menace en perspective, car si le service public n'en prend pas l'initiative (et la politique actuelle ne lui en donne pas les moyens), qui va assembler une courte hospitalisation, le suivi par un médecin généraliste, le retour en consultation chez le spécialiste avec un VSL, l'infirmière, le kiné, l'aide à domicile si besoin si ce ne sont pas les assurances complémentaires, avec à la clé quelques profits ! Sans oublier la consultation en télémédecine !
Le projet régional de santé décline de nombreux parcours en commençant par les enfants : copier/coller du paragraphe déjà lu dans la prévention sur l'examen médical obligatoire à 6 ans. Cela allonge le PRS, sans en faciliter la lisibilité et ce n'est pas le seul doublon ! Et une perle : il faudrait diminuer le recours aux urgences hospitalières pour les enfants et adolescents, avec comme solution, une fois de plus, plus de recours aux médecins généralistes.
Et les parcours se succèdent : maladies chroniques, personnes atteintes de cancer, maladies cardio-neuro-vasculaires, personnes atteintes d'une maladie neurodégénérative, personnes atteintes de maladies rares, psychiatrie, conduites addictives avec les mêmes solutions : prévention, coordination, graduation des soins, ambulatoire, télémédecine, formation, éducation thérapeutique … Et je vous passe les bonnes intentions : prise en compte des besoins du patient, démarche d'amélioration continue de la qualité des soins …
Mon commentaire acerbe a le défaut, je le reconnais, de ne pas prendre en compte la richesse de la réflexion et du travail des personnels de l'ARS pour faire de vraies propositions, car dans le cadre imposé du bla-bla-bla pour masquer le manque de moyens, il y a des idées de progrès !
Et des projets concrets comme la création d'une unité neuro vasculaire à Charleville-Mézières. Est-elle dans le projet médical du GHT ?
Mais comment ne pas s'inquiéter devant un discours déconnecté de la réalité des professionnels, des malades et de leurs difficultés ? Et comment ne pas penser que les bonnes paroles ne sont là que pour cacher la réalité !
Personnes âgées ou en situation de précarité ont droit à un traitement à part mais cette partie du PRS reprend les mêmes éléments de parcours ! J'ai dit plus haut mon inquiétude par rapport à l'ignorance de la différence entre EHPAD publics et privés. Dans les Ardennes, le privé se développe au détriment du public et ce n'est sans doute pas le seul département. Des chiffres seraient intéressants.
A partir de la page 124 (et oui, nous en sommes à la moitié), l'avant projet du schéma régional de santé prend un tour plus global pour développer une « approche de qualité de pertinence et d'efficience des soins ». Nous sommes au cœur du projet de réduction de l'offre de soins, présenté sous cette forme trompeuse !
Il faut développer les alternatives à l'hospitalisation conventionnelle, renforcer le virage ambulatoire et la performance technique des plateaux techniques de chirurgie et d'imagerie, améliorer le parcours de santé en périnatalité (pourquoi cela arrive là et non avec les autres parcours, sauf à anticiper des fermetures de maternité et des réductions de durée de séjour ?), conforter les services de réanimation.
Bravo à l'imagination de l'ARS pour les solutions sans moyens ! Mais concertation, contractualisation et autres mots en « ion » ne suffiront pas à faire que les populations du Grand Est ne souffrent pas de sorties précipitées de l'hôpital sans préparation des suites à domicile faute de professionnels en ville ou de non prises en charge pour raison financière ou du fait de l'importance des distances ! Comment ne pas rire jaune d'un objectif comme celui-ci : « un plan réanimations en tension est défini. »
Et les beaux discours ne diminueront pas non plus la pression mise sur les personnels de santé, tout au contraire. Comme avec cette grande trouvaille de nos officiels, la télémédecine par exemple. Certes un avis spécialisé demandé par un professionnel auprès d'un patient peut éviter des déplacements, être un gain de temps. Mais la formalisation, cela peut aussi être le spécialiste obligé de cesser son activité, sa consultation par exemple, pour répondre à la question à distance : bref, leur donner du travail supplémentaire en désorganisant l'existant ! Et très globalement, comme je l'ai dit plus haut à propos des médecins généralistes, il s'agit toujours de pallier les manques en en demandant plus à des professionnels déjà au taquet.
Je ne peux en finir sur cette partie sans souligner le nombre de fois où revient la notion de partenariat public privé : aucun effort n'est fait pour développer le service public !
Sixième levier stratégique, pour employer les termes de ce SRS : « adapter la politique de ressources humaines en santé ». Nous sommes là au cœur du piège infernal construit par les gouvernements successifs avec l'aide des syndicats corporatistes de médecins : réduire les dépenses publiques de santé en s'appuyant sur le manque de professionnels avec un effet d'emballement qui est en train de conduire à une véritable catastrophe sanitaire. Le vide sidéral qui plane sur cette partie du SRS est atterrant, entre solutions pour faciliter l'installation de médecins qui ont déjà prouvé leur inefficacité (les aides ne servent qu'à mettre en concurrence les territoires entre eux) et discours pour l'amélioration de la qualité de vie au travail témoignant surtout de la méconnaissance des réalités : le projet de contractualisation de l'ARS avec les services de l'Etat, la région … pour prévenir les risques psychosociaux est surréaliste. Sans desserrement des contraintes financières sur les services de soins et médico-sociaux, les risques ne peuvent que perdurer et s'amplifier !
Mais pas d'inquiétude : en innovant et en utilisant la télémédecine, tout ira dans le meilleur des mondes et ce dernier levier stratégique est le fourre tout d'initiatives très spécialisées, pour la plupart intéressantes, mais qui ne font pas une stratégie de santé et ce d'autant plus que le discours qui les emballe relève du discours gouvernemental donnant toute sa place à l'initiative … pour ceux qui ont le fric.
C'est seulement alors que l'on arrive au cœur du SRS : jusque là, nous n'étions que dans le discours d'accompagnement de l'ARS. Avec l'organisation des soins, l'ARS est au centre de son pouvoir, en donnant les autorisations. Mais, comble de l'hypocrisie, elle se réfugie derrière le technique, la sécurité pour justifier ses choix, sans volonté d'impulser une organisation répondant aux besoins. Le Grand Est est divisé en douze zones d'implantation pour le niveau de soins de référence, calquées sur les territoires des GHT et trois zones de recours : les anciennes régions, à la sauce ARS, c'est à dire avec des limites revues à la lumière des territoires de GHT. Les principes qui expliquent les chiffres donnés dans l'annexe et que j'ai résumé plus haut sont de pur constat : par exemple la fermeture possible de services de réanimation serait liée à leur fragilité en terme de personnels médicaux et les difficultés confiés à un plan réanimations en tension ! La biologie médicale fait l'objet de tous les soins de ce PRS pour mieux voir les pistes d'économies, les réorganisations dans le secteur hospitalier, la diminution du nombre d'examens et la mise en cause de la proximité : un cahier des charges sera fait pour les lieux de stockage d'examens, là où les examens sont prélevés, de plus en plus à distance du laboratoire puisqu'il y a eu des regroupements, mais le SRS ne dit pas les aides à la mise en conformité. Cela pourrait permettre d'en fermer et les statistiques actuelles témoignent déjà grandement de l'importance de cette proximité : la moyenne est d'un peu plus de 18 examens par personne et par an dans le Grand Est, mais seulement d'un peu plus de 13 dans le territoire du GHT3 (l'Aube et le Sézannais) dont on sait qu'il est champion pour le titre de désert médical dans la région, en dehors de l'agglomération troyenne.
La seule conclusion que je peux donner, c'est que les ayant droits à la santé, c'est à dire nous tous, devons dire haut et fort qu'au XXIème siècle, il est du devoir du gouvernement d'impulser un véritable service public de santé permettant l'accès de toutes et tous à la prévention et aux soins ! Et que la sécurité sociale doit rembourser les soins prescrits à 100% !
Je ne résumerai pas la richesse de ces travaux. Juste deux remarques :
Ce diagnostic préalable à l'élaboration du PRS est sans appel sur les inégalités de santé : la mortalité est plus élevée dans le Grand Est qu'en France (815/100 000 habitants, versus 756 en France Métropolitaine) avec des inégalités intrarégionales importantes : 900 dans les Ardennes, 853 en Moselle, 846 dans les Vosges, 838 dans la Meuse, 819 en Haute Marne, pour ne citer que les départements où elle est la plus importante, 779 dans le Bas Rhin, au dessus encore de la moyenne nationale. Et les différences en terme de pyramide des âges ne peuvent suffire à l'expliquer.
La carte de la mortalité prématurée (décès avant 65 ans) est un peu différente et si la mortalité prématurée est supérieure dans le Grand Est à celle de la France métropolitaine, la superposition des zones plus claires avec la carte du régime local d'Alsace Moselle n'est sans doute pas un hasard : une bonne protection sociale est une bonne prévention ! (Et cela sans vouloir l'extension du régime d'Alsace Moselle au reste du territoire français ; on peut encore mieux faire si on veut !)
Ma deuxième remarque porte sur l'offre de soins. Sa faiblesse est notable à tel point qu'en parlant de la planification de l'offre hospitalière, la Cour des Comptes dans son rapport sur l'avenir de l'assurance maladie indique : « Elle pourra donc être plus exigeante en Provence-Alpes-Côte d’Azur dans les secteurs où l’offre de soins est abondante que dans le Grand Est où elle est plus rare. »
L'état des lieux mélange complètement public et privé : il est par exemple impossible de trouver dans ces documents le nombre d'EHPAD publics : il n'y a que des chiffres globaux. J'avais posé la question lors de la réunion du conseil territorial de santé n°1 (en gros l'ancienne Champagne Ardenne). J'attends toujours la réponse. Or l'on sait l'importance, en particulier en terme de prix de journée dans nos départements où tant de retraites ne permettent pas l'accès au secteur privé.
Le Schéma régional de santé, c'est 224 pages, sans les annexes. C'est pourtant dans les annexes que l'on trouve le concret, avec un inquiétant tableau récapitulatif tout à la fin des annonces de fermetures : 5 maternités de niveau 1 pourraient disparaître d'ici 2022, 2 de niveau 2A, 6 services de réanimation adulte ...
Deux structures d'urgence sont condamnées, dans les départements alsaciens.
Ces fermetures programmées ne sont sans doute que l' « avoué » par l'ARS. Car, quand on interroge des responsables sur l'avenir de la maternité de Sedan, n'apparaissant pas menacée dans ce SRS, la réponse est évidemment pour garantir la pérennité de cette maternité, puis pour rajouter une nuance : « sauf si on manque de médecins ! » Mais, officiellement, Sedan ne recrute pas d'anesthésistes, alors qu'ils sont déjà en nombre insuffisant !
Venons en au contenu même de ce SRS.
La première place est faite à la prévention. Pas question de critiquer cette place de choix, sauf que le contenu est désespéramment limité !
En ce qui concerne la médecine scolaire, le plan prévoit d'assurer 100% des examens médicaux obligatoires dans la 6ème année … dans des territoires prioritaires à définir. Cela veut dire que la loi ne s'applique pas actuellement dans la région et que le PRS ne prévoit pas de l'appliquer, sauf dans quelques territoires ! Quant à la méthode, elle laisse à désirer ! Car ce serait en mettant en place un partenariat formalisé avec les médecins généralistes (et d'autres : pédiatres, PMI). Passons sur le formalisme, qui n'a sans doute comme but que d'aider l'ARS à limiter d'éventuels recours juridiques pour qu'en fin de compte, la loi ne soit pas appliquée ! Mais notons que l'on va demander du travail supplémentaire à des médecins généralistes, alors que l'on sait que dans la plupart des territoires de la région ils ne sont déjà pas assez nombreux. Ce genre de sollicitation revient à plusieurs reprises dans le document !
Deuxième remarque sur la prévention : c'est avec amusement, teinté de colère que je lis comme objectif : « Mettre en place un programme de sensibilisation sur les perturbateurs endocriniens notamment en direction des femmes enceintes et en direction des futurs parents. » Il n'est pas question d'oeuvrer à une alimentation plus saine, à des cosmétiques moins toxiques en intervenant auprès des industriels. Non, on renvoie cela vers la responsabilité individuelle, avec tout ce que cela comporte d'inégalités sociales et culturelles !
Après la prévention, les soins de proximité. Pas un mot sur le développement nécessaire de centres de santé. Comme à la précédente CRSA (commission régionale santé autonomie) à laquelle j'avais participé, je suis intervenue sur ce sujet à la réunion du 17 octobre. Les réponses sont désespérantes, entre le représentant du monde libéral qui dénonce les 35 h d'un travail salarié (mais dit aussi que 50% des médecins formés dans le Grand Est quittent la région – cherchez l'erreur) et le directeur de l'ARS, qui, à la proposition d'adosser des centres de santé à des hôpitaux, répond sur la difficulté de faire faire autre chose que leur travail aux médecins hospitaliers (a-t-il compris que ceux-ci ont déjà trop de travail ?).
Très à la mode : les parcours ! Une exigence des malades qui n'en peuvent plus d'être mis à la porte de l'hôpital sans que leur médecin traitant ne soit en mesure de poursuivre les soins, faute de moyens et d'informations.
Et une menace en perspective, car si le service public n'en prend pas l'initiative (et la politique actuelle ne lui en donne pas les moyens), qui va assembler une courte hospitalisation, le suivi par un médecin généraliste, le retour en consultation chez le spécialiste avec un VSL, l'infirmière, le kiné, l'aide à domicile si besoin si ce ne sont pas les assurances complémentaires, avec à la clé quelques profits ! Sans oublier la consultation en télémédecine !
Le projet régional de santé décline de nombreux parcours en commençant par les enfants : copier/coller du paragraphe déjà lu dans la prévention sur l'examen médical obligatoire à 6 ans. Cela allonge le PRS, sans en faciliter la lisibilité et ce n'est pas le seul doublon ! Et une perle : il faudrait diminuer le recours aux urgences hospitalières pour les enfants et adolescents, avec comme solution, une fois de plus, plus de recours aux médecins généralistes.
Et les parcours se succèdent : maladies chroniques, personnes atteintes de cancer, maladies cardio-neuro-vasculaires, personnes atteintes d'une maladie neurodégénérative, personnes atteintes de maladies rares, psychiatrie, conduites addictives avec les mêmes solutions : prévention, coordination, graduation des soins, ambulatoire, télémédecine, formation, éducation thérapeutique … Et je vous passe les bonnes intentions : prise en compte des besoins du patient, démarche d'amélioration continue de la qualité des soins …
Mon commentaire acerbe a le défaut, je le reconnais, de ne pas prendre en compte la richesse de la réflexion et du travail des personnels de l'ARS pour faire de vraies propositions, car dans le cadre imposé du bla-bla-bla pour masquer le manque de moyens, il y a des idées de progrès !
Et des projets concrets comme la création d'une unité neuro vasculaire à Charleville-Mézières. Est-elle dans le projet médical du GHT ?
Mais comment ne pas s'inquiéter devant un discours déconnecté de la réalité des professionnels, des malades et de leurs difficultés ? Et comment ne pas penser que les bonnes paroles ne sont là que pour cacher la réalité !
Personnes âgées ou en situation de précarité ont droit à un traitement à part mais cette partie du PRS reprend les mêmes éléments de parcours ! J'ai dit plus haut mon inquiétude par rapport à l'ignorance de la différence entre EHPAD publics et privés. Dans les Ardennes, le privé se développe au détriment du public et ce n'est sans doute pas le seul département. Des chiffres seraient intéressants.
A partir de la page 124 (et oui, nous en sommes à la moitié), l'avant projet du schéma régional de santé prend un tour plus global pour développer une « approche de qualité de pertinence et d'efficience des soins ». Nous sommes au cœur du projet de réduction de l'offre de soins, présenté sous cette forme trompeuse !
Il faut développer les alternatives à l'hospitalisation conventionnelle, renforcer le virage ambulatoire et la performance technique des plateaux techniques de chirurgie et d'imagerie, améliorer le parcours de santé en périnatalité (pourquoi cela arrive là et non avec les autres parcours, sauf à anticiper des fermetures de maternité et des réductions de durée de séjour ?), conforter les services de réanimation.
Bravo à l'imagination de l'ARS pour les solutions sans moyens ! Mais concertation, contractualisation et autres mots en « ion » ne suffiront pas à faire que les populations du Grand Est ne souffrent pas de sorties précipitées de l'hôpital sans préparation des suites à domicile faute de professionnels en ville ou de non prises en charge pour raison financière ou du fait de l'importance des distances ! Comment ne pas rire jaune d'un objectif comme celui-ci : « un plan réanimations en tension est défini. »
Et les beaux discours ne diminueront pas non plus la pression mise sur les personnels de santé, tout au contraire. Comme avec cette grande trouvaille de nos officiels, la télémédecine par exemple. Certes un avis spécialisé demandé par un professionnel auprès d'un patient peut éviter des déplacements, être un gain de temps. Mais la formalisation, cela peut aussi être le spécialiste obligé de cesser son activité, sa consultation par exemple, pour répondre à la question à distance : bref, leur donner du travail supplémentaire en désorganisant l'existant ! Et très globalement, comme je l'ai dit plus haut à propos des médecins généralistes, il s'agit toujours de pallier les manques en en demandant plus à des professionnels déjà au taquet.
Je ne peux en finir sur cette partie sans souligner le nombre de fois où revient la notion de partenariat public privé : aucun effort n'est fait pour développer le service public !
Sixième levier stratégique, pour employer les termes de ce SRS : « adapter la politique de ressources humaines en santé ». Nous sommes là au cœur du piège infernal construit par les gouvernements successifs avec l'aide des syndicats corporatistes de médecins : réduire les dépenses publiques de santé en s'appuyant sur le manque de professionnels avec un effet d'emballement qui est en train de conduire à une véritable catastrophe sanitaire. Le vide sidéral qui plane sur cette partie du SRS est atterrant, entre solutions pour faciliter l'installation de médecins qui ont déjà prouvé leur inefficacité (les aides ne servent qu'à mettre en concurrence les territoires entre eux) et discours pour l'amélioration de la qualité de vie au travail témoignant surtout de la méconnaissance des réalités : le projet de contractualisation de l'ARS avec les services de l'Etat, la région … pour prévenir les risques psychosociaux est surréaliste. Sans desserrement des contraintes financières sur les services de soins et médico-sociaux, les risques ne peuvent que perdurer et s'amplifier !
Mais pas d'inquiétude : en innovant et en utilisant la télémédecine, tout ira dans le meilleur des mondes et ce dernier levier stratégique est le fourre tout d'initiatives très spécialisées, pour la plupart intéressantes, mais qui ne font pas une stratégie de santé et ce d'autant plus que le discours qui les emballe relève du discours gouvernemental donnant toute sa place à l'initiative … pour ceux qui ont le fric.
C'est seulement alors que l'on arrive au cœur du SRS : jusque là, nous n'étions que dans le discours d'accompagnement de l'ARS. Avec l'organisation des soins, l'ARS est au centre de son pouvoir, en donnant les autorisations. Mais, comble de l'hypocrisie, elle se réfugie derrière le technique, la sécurité pour justifier ses choix, sans volonté d'impulser une organisation répondant aux besoins. Le Grand Est est divisé en douze zones d'implantation pour le niveau de soins de référence, calquées sur les territoires des GHT et trois zones de recours : les anciennes régions, à la sauce ARS, c'est à dire avec des limites revues à la lumière des territoires de GHT. Les principes qui expliquent les chiffres donnés dans l'annexe et que j'ai résumé plus haut sont de pur constat : par exemple la fermeture possible de services de réanimation serait liée à leur fragilité en terme de personnels médicaux et les difficultés confiés à un plan réanimations en tension ! La biologie médicale fait l'objet de tous les soins de ce PRS pour mieux voir les pistes d'économies, les réorganisations dans le secteur hospitalier, la diminution du nombre d'examens et la mise en cause de la proximité : un cahier des charges sera fait pour les lieux de stockage d'examens, là où les examens sont prélevés, de plus en plus à distance du laboratoire puisqu'il y a eu des regroupements, mais le SRS ne dit pas les aides à la mise en conformité. Cela pourrait permettre d'en fermer et les statistiques actuelles témoignent déjà grandement de l'importance de cette proximité : la moyenne est d'un peu plus de 18 examens par personne et par an dans le Grand Est, mais seulement d'un peu plus de 13 dans le territoire du GHT3 (l'Aube et le Sézannais) dont on sait qu'il est champion pour le titre de désert médical dans la région, en dehors de l'agglomération troyenne.
La seule conclusion que je peux donner, c'est que les ayant droits à la santé, c'est à dire nous tous, devons dire haut et fort qu'au XXIème siècle, il est du devoir du gouvernement d'impulser un véritable service public de santé permettant l'accès de toutes et tous à la prévention et aux soins ! Et que la sécurité sociale doit rembourser les soins prescrits à 100% !
Commentaires
Bravo Michèle, c'est un gros travail de résumé et d'analyses que tu nous propose. Effectivement quand le carcan budgétaire sera le directeur des choix, point de salut. Ce qui m'inquiète, c'est que le manque de soins coûte plus cher à long terme sauf à considérer que les morts ne coûtent plus rien. Concernant la confusion organisée entre le public et le privé dans la santé et les Ehpad entres autres, elle cache bien souvent une organisation au service de vautours et je pense qu'il faudrait faire intervenir l'association Anticor qui lutte contre la corruption. Combien d'investissements publics ont été le préalable à une revente à perte au privé, combien de PPP qui coûte plus chers pour un service rendu minable et destructeur de lien social et d'emploi. Les outils existent mais ce sont les combattants qui manquent malheureusement et je m’inclus dedans.
Merci pour ton travail, tu sais que c'est utile.Il n'est pas nécessaire d'aboutir immédiatement pour persévérer.
Fraternité