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  • La crise des urgences vue par le nouveau ministre de la santé !

    Devant la crise majeure de l’hospitalisation publique, dont les effets les plus visibles concernent les urgences et les maternités, le Président Macron a annoncé entre l’élection présidentielles et les élections législatives une mission flash pour donner des éléments de solution pour l’été. Notons l’inutilité de cette mission : l’état des lieux et des pistes de réforme avaient déjà fait l’objet d’un rapport sénatorial. Cette mission a été confiée à celui qui était son conseiller santé pendant la campagne des élections présidentielles, F. Braun, devenu ministre de la santé dans le deuxième gouvernement Borne.
    Au delà de leur quasi-totale inefficacité, les mesures proposées, acceptées par la Première Ministre, de cette mission flash témoignent des présupposés idéologiques qui vont guider l’action gouvernementale en matière de santé dans ce nouveau quinquennat. Il s’agit d’accélérer les réformes engagées par les précédents gouvernements, accentuées durant le premier quinquennat d’E. Macron, pour substituer à l’hôpital public le privé, dès lors que des profits peuvent être faits et restreindre les dépenses publiques de santé en limitant au maximum les durées d’hospitalisation, sans égard pour les charges accrues d’accompagnement pour les familles, les soins insuffisants et sans la mise en place d’un véritable service public de soins de premier recours, seul capable d’organiser les coopérations entre les différents professionnels pour répondre aux besoins des populations. L’augmentation du nombre de soignants n’est pas à l’ordre du jour. A l’image des plateformes, le développement du numérique permettrait une meilleure organisation des soins ambulatoires : bonjour la déshumanisation !
    Cette note revient sur le contexte, analyse les mesures proposées et les réponses à apporter.

    I Le contexte
    La crise de l’hôpital public est celle de l’ensemble du système de santé, construite par les gouvernements successifs à travers la réduction du nombre de médecins formés (numerus clausus) et l’austérité imposée. Cette crise globale s’exprime publiquement surtout autour des urgences. En effet, les services d’urgences se sont transformées en secteur d’hospitalisation (le plus souvent sur brancards) faute de lits disponibles avec des conditions indignes pour les malades, monopolisant le personnel des urgences, au détriment de leur vrai rôle, la prise en charge de nouveaux arrivants, tandis que le nombre de ceux-ci a fortement augmenté en lien avec l’absence de permanence des soins en ville et des délais de rendez-vous. Ce n’est que la traduction de la crise globale, d’une médecine de ville, qui ne répond plus aux besoins de la population et d’un hôpital public gangrené par l’austérité. Cette crise avait éclatée au grand jour à l’été 2019, avant même la COVID.
    Le PCF et ses élus avaient anticipé avec un plan d’urgence pour l’hôpital public en 2018 et le tour de France des hôpitaux par ses parlementaires. En 2018 le nombre de créations de postes nécessaires dans les hôpitaux était déjà estimé à 100 000.
    La COVID est passée par là, fatiguant les équipes. Plus que la surcharge de travail, c’est le désespoir en lien avec l’absence de perspectives d’amélioration et le mépris gouvernemental qui mine l’hôpital public. Témoin de ce désespoir, en 2017 déjà, un sondage indiquait que 40 % des aides-soignantes avaient voté pour Marine Le Pen. Aux bas salaires et au manque de personnel s’ajoute la dégradation des conditions de travail liée à une gestion ne visant que la rentabilité, cassant les solidarités d’équipe et ne laissant plus de place à la relation humaine avec les malades, faisant perdre tout intérêt aux métiers du soins. En 2019 des personnels des urgences justifiaient déjà leur mouvement en disant que c’était la grève de la dernière chance et qu’en cas d’échec ils quitteraient l’hôpital public. La période du premier confinement, avec une administration presque absente, laissant la place à l’initiative et à la solidarité des équipes, la reconnaissance par les applaudissements et le discours de Mulhouse d’E. Macron avait fait renaître un espoir, très vite tué : la gestion économique a repris le dessus et les augmentations de salaires du Ségur, insuffisantes, se sont accompagnées de contre-parties divisant les salariés entre eux et aggravant les organisations de travail.
    Le processus de casse de l’hôpital public, engagé avec le plan Juppé en 1995 et le vote par le parlement de la limitation des dépenses de santé, poursuivi par les lois Bachelot, Touraine et Buzyn est arrivé à son terme. L’administration n’a plus besoin de décider de réduction du nombre de lits : ils sont fermés faute de personnels dans un mouvement devenu incontrôlable : chaque départ aggrave les conditions de celles et ceux qui restent, entraînant de nouvelles démissions.
    Pas plus l’hôpital public que la médecine de ville ne sont en état de répondre aux besoins de la population, non seulement cet été, mais au delà, et il y aura des conséquences sanitaires dramatiques, quoi que l’on fasse.
    Cela ne doit évidemment pas se traduire par du renoncement mais par des propositions de reconstruction d’un service public de santé, hospitalier et de premier recours et des mesures d’urgence pour amoindrir les conséquences de la crise dans les mois à venir.

    II Analyse de la mission flash
    a) Principes de base : abandonner l’hôpital public au profit de la médecine libérale et de l’hospitalisation privée
    Cette mission flash ne tire le bilan du « pacte de refondation des urgences » de 2019 que pour souligner que les réformes n’ont pas été assez vite et confirmer l’orientation donnée : tout faire pour réduire le nombre de passages aux urgences en renvoyant la population vers la ville, sans considération véritable pour l’incapacité actuelle de ce secteur à répondre aux besoins de la population en tout point du territoire.
    Rien, à part quelques mesures très ponctuelles dont on attend que les annonces deviennent réalité, comme celle concernant les PADHUE (médecins à diplôme hors Europe) – cf infra – ne concerne l’hôpital public, alors que le problème majeur des urgences est l’absence de lits d’aval.
    Dans la continuité, mais avec la volonté d’accélérer le processus, cette mission flash, qui traduit la philosophie du gouvernement, condamne l’hôpital public. La poursuite de sa dégradation va permettre au secteur privé lucratif de récupérer les « parts de marchés rentables » en abandonnant tout ce qui avait fait le succès du système hospitalier public français.
    Et en abandonnant toute une partie de la population qui a besoin de soins complexes mal standardisés, tout particulièrement les personnes âgées, sauf à ce qu’elles aient les moyens de mettre la main au porte-monnaie, comme en témoigne des ballons d’essai réguliers pour limiter les remboursements de la Sécurité Sociale à un panier de soins.

    b) Les 41 mesures de la mission
    Le premier groupe de mesures consiste à proposer des parcours de soins en amont, sans recourir aux services d’urgences : elles reposent sur l’information de la population de la nécessité d’un appel au 15 avant déplacement aux urgences. Comme les centres 15 vont exploser si ce conseil est suivi, avec comme risque le retard au traitement d’un appel pour une urgence vitale, la mission propose de retarder la nécessaire formation des ARM (assistants de régulation médicale) dont 10 % des postes sont déjà vacants et d’élargir la présence de médecins libéraux comme régulateurs, avec à la clé une rémunération de 100€ de l’heure (les médecins hospitaliers assurant aussi la régulation apprécieront les écarts de salaires !). Des mesures sont proposées pour que les médecins libéraux participent plus à la permanence des soins : augmentation de la cotation de la consultation, cumul retraite/activité libérale, élargissement de la plage de permanence des soins au samedi matin. Le développement annoncé de la télémédecine nécessiterait une note à lui seul, comme l’implication des autres professionnels du soin libéraux ! Enfin, dans le bras de fer actuel entre service public et privé pour les transports de malades, la mission choisit de favoriser le privé.
    Au total il s’agit de restreindre l’accès au service public et à l’expertise médicale avec un risque majoré de non recours aux soins des populations non familiarisées avec les arcanes de l’organisation des soins.
    Le deuxième groupe de mesures vise à rassurer la population en annonçant maintenir la réponse aux urgences graves par des procédures dégradées qui pourraient être pérennisées après l’été.
    Le troisième groupe de mesures concerne l’activité des services d’urgences en autorisant le tri des malades et les fermetures partielles ! Le renforcement des personnels se fait par l’appel au volontariat du libéral, (alors que l’absence d’obligation de participation à la permanence des soins  est un facteur influençant fortement le choix des médecins dans certaines spécialités en faveur des établissements privés), le recours aux heures supplémentaires …
    On notera deux mesures particulièrement dangereuses pour l’avenir :
    - « fluidifier les parcours de soins en psychiatrie » en développant l’intersectoriel, préparant la fin des secteurs de psychiatrie, une organisation qui avait fait la preuve de son efficacité en décloisonnant hospitalisation et soins ambulatoires
    - « favoriser le recrutement de professionnels de santé libéraux qui acceptent de participer à l’activité hospitalière en plus de leur activité libérale » avec des rémunérations attractives, une manière de préparer la casse du statut de la fonction publique hospitalière ou des praticiens hospitaliers.
    Trois mesures sont positives, mais restent très limitées et nécessitent d’attendre pour voir leur effective mise en œuvre.
    - La titularisation plus rapide de contractuels dans la fonction publique hospitalière, limitée par le renvoi vers des accords locaux.
    - L’amélioration de la reconnaissance financière du travail de nuit, limitée à la période estivale
    - La prolongation de l’autorisation d’exercice des PADHUE (praticien à diplôme hors Union Européenne) : reste à savoir si l’assouplissement dans les procédures actuelles permettra de mettre fin au scandale actuel de médecins compétents, sous payés tout en faisant fonctionner de très nombreux services !
    Évidemment le privé n’est pas oublié avec des mesures financières pour les services d’urgences privés, sans contre partie sur un fonctionnement 24h/24, 7 jours/7.
    Le dernier groupe de mesures concerne l’aval. Le problème majeur des services d’urgence – trouver où hospitaliser les patients le nécessitant – est traité par des gadgets, montrant la volonté de ne pas revenir sur les fermetures de lits. Faire gérer les lits vides par un « bed manager » ou l’ARS ne crée pas de lits. La première mesure associe à son inefficacité la torture morale : demander aux services de spécialités de trouver dans les quatre heures un lit vacant pour répondre à la demande d’un libéral, en pratique demander au médecin de choisir quel malade il va mettre à la porte de son service dans les 4 h !

    c) les pistes d’avenir pour la mission
    Le rapport de la mission se termine par des pistes pour l’avenir. Au delà des déclarations de bonnes intentions avec lesquelles on ne peut être que d’accord comme d’adapter l’offre de soins aux besoins, cette partie confirme les orientations : rien pour l’hôpital, sauf un paragraphe sur les ressources humaines. Il s’agit de conforter la place de la médecine libérale et du secteur privé.
    L’hôpital est relégué à la sixième place dans les pistes et il n’y a pas un mot pour des réouvertures de lits ou de services ! Il suffirait de « dynamiser la politique RH ». Quelques propositions vont dans le bon sens : envisager un retour vers une organisation par service, l’arrêt de l’injonction de la polyvalence à outrance et la formation continue des soignants. La revalorisation du travail de nuit proposée est nécessaire mais ne doit pas être exclusive d’un rattrapage généralisé des salaires. Le développement d’incitations financières à la mise en place d’une politique de qualité de vie au travail pourrait s’accompagner de pressions fortes sur les organisations syndicales. On notera dans ce chapitre une déclaration de bonnes intentions sur le développement de l’enseignement et de la recherche, avec une inquiétude : ne s’agit-il pas aussi de préparer à une décentralisation des facultés de médecine, dégageant l’État de ses responsabilités ?
    La première piste témoigne sans le dire du mépris des auteurs de cette mission, et en premier lieu donc du nouveau ministre, pour les forts consommateurs de services d’urgence, en particulier dans le champ de la santé mentale. Il faudrait mettre en place localement des mesures adaptées, sous la responsabilité des CPTS (communauté professionnelle de territoire de santé). Le rapport insiste encore plus loin (piste 7) sur le contrôle par les CPTS de la réponse aux besoins de santé en psychiatrie, encore un signe de la volonté d’en finir avec la spécificité de la psychiatrie et de son organisation en secteur.
    Les autres mesures consistent avant tout à donner des outils aux professionnels libéraux et aux établissements de santé privés pour répondre un peu mieux aux besoins de santé en se coordonnant pour remplacer le service public ou toute velléité de service public de soins primaires.
    La généralisation du SAS (service d’accès aux soins) a pour objectif d’aider à trouver le bon professionnel libéral en s’appuyant sur les technologies de l’information, et les CPTS sont mises au coeur du dispositif.
    Rappelons que les CPTS (Communauté professionnelle de territoire de santé), créées par la loi Touraine ont vocation à rassembler tous les professionnels de santé dans un territoire pour assurer la coordination et en particulier répondre à l’objectif de permanence des soins. L’exercice libéral étant antagoniste de cette coordination, elles ne fonctionnent bien, malgré l’importance des crédits délégués par les ARS, que dans les territoires où des professionnels s’y sont impliqués volontairement pour répondre au bien commun, en particulier là où des centres de santé y ont contribué.
    C’est sur ces CPTS que veut s’appuyer cette mission en ignorant totalement les centres de santé et toute médecine salariée. Il est explicitement écrit « Les soins primaires doivent s’organiser avec les professionnels de santé libéraux réunis au sein des CPTS. »
    La volonté de développer les statuts mixtes libéral/salarié et la complémentarité entre public et privé confirme la volonté de mieux inscrire le système de santé dans l’économie libérale.
    Télémédecine et développement des pratiques infirmières avancées complètent la panoplie des propositions pour suppléer les médecins manquants pour les soins de premier recours.

    III Propositions
    Il ne peut s’agir d’opposer l’hôpital au service de soins primaires et un hôpital fort est nécessaire pour un service de soins primaires de qualité !
    Contrairement au projet gouvernemental, les nécessaires mesures structurantes ne peuvent attendre l’automne ! Il faudrait dès maintenant :
    - annoncer un changement de politique, ce que le gouvernement actuel est évidemment incapable de faire, pour redonner espoir aux soignants et arrêter l’hémorragie. Cela pourrait être une loi rectificative à la loi de financement 2022 de la Sécurité sociale
    - préparer la rentrée universitaire pour augmenter dès cette année massivement le nombre de professionnels formés.
    Le plan d’urgence pour l’hôpital du PCF est plus que jamais d’actualité : il faut donner les moyens à l’hôpital public de s’adapter aux évolutions scientifiques et techniques, à la transition épidémiologique avec le vieillissement de la population et assurer une réponse socialement efficace et de proximité aux besoins de santé des territoires en s’inscrivant dans une nouvelle organisation des soins articulant service public hospitalier et structures de soins primaires.
    - Les propositions de formations concernent tant l’hôpital que la ville : elles sont à articuler avec les propositions de sécurité emploi formation et de salaire pendant les études en échange d’un engagement à travailler dans le service public. Les besoins concernent toutes les catégories professionnelles.
    - La réponse aux déserts médicaux doit être une réponse politique, structurante, de création d’un service public de soins de premier recours autour de centres de santé pluriprofessionnels maillant l’ensemble du territoire national. On lira avec intérêt l'article de Richard Lopez dans le dernier numéro des cahiers de santé publique et de protection sociale. On peut le trouver en cliquant ici

    Catégories : santé et protection sociale Lien permanent 0 commentaire