Au moment où les discussions s'accélèrent sur le compte individuel de formation, j'ai envie, quitte à être caricaturale, de mettre en garde face à ce que pourrait devenir cette bonne idée pour favoriser la formation dont les besoins sont énormes pour affronter la société de demain et être un outil de sécurisation des parcours professionnels.
Tout d'abord, m'interroger sur le mot "individuel" : le but ( et au delà des discours, la réalité du dispositif créé) sera-t-il d'enfermer chacun dans une soit-disant responsabilité individuelle à se former, avec le risque majeur de faire perdurer, voir de renforcer les inégalités entre ceux qui ont l'habitude de la formation continue, les cadres, les plus qualifiés et ceux pour qui formation et mauvais souvenirs d'école ou formation obligatoire sans intérêt sont synonymes, les moins qualfiés, de renforcer les inégalités entre ceux sur qui le patron compte pour moderniser son entreprise, et ceux à qui l'on demande d'exécuter, d'être immédiatement rentables en refusant les possibilités d'évolution professionnelle et pour qui la formation, ce sera toujours, demain, jamais aujourd'hui.
Le compte individuel de formation ne pourra pas s'exonérer de droits collectifs d'accès à la formation.
M'interroger ensuite sur les contenus des formations, formation pour satisfaire les besoins patronaux ou formation pour acquérir des possibilités nouvelles assorties d'une qualification, facteur d'émancipation, formation dans le cadre d'un service public de formation ou financement à travers ce nouveau dispositif d'officines privées avides de la manne financière de ce compte.
Pour ne pas laisser les individus seuls face à l'avidité patronale, un véritable service public de l'orientation s'impose. Si ce rôle devait être dévolu aux régions, il ne s'agirait plus d'une simple coordination de l'existant et cela nécessitera des dotations financières en conséquence !
Poser enfin la question financière car s'il ne s'agit que d'appeler le DIF compte infividuel de formation, sans même faire sauter le droit de refus de l'employeur, et compte individuel de formation les formations que les régions financent déjà aux jeunes sans qualification, cela ne sera qu'une réforme de façade, de celles à désespérer par leur incapacité à changer les choses.
Et je préfère ne pas envisager le scénario catastrophe : un mic mac entre congé individuel de formation et droit inividuel à la formation au terme duquel les salariés auraient encore moins de possibilités de formation en dehors de celles choisies par leur employeur et Pierre Gattaz, le futur patron du MEDEF, a déjà déclaré que l'obligation "former ou payer" ne se justifie plus, remettant en cause ainsi la mutualisation de la formation. Et une deuxième catastrophe dans les régions, restreignant leurs formations aux jeunes bénéficiant d'un abondement de leur compte individuel de formation, car sortis de l'école sans qualification.
Il est donc indispensable que la création du compte individuel de formation s'accompagne de nouvelles ressources provenant des entreprises - et l'on pourrait astucieusement lier certains financements à l'utilisation par les entreprises de salariés précaires - et au financement par l'état des droits ouverts au titre d'une sortie sans qualification de jeunes de l'Education Nationale : c'est bien l'insuffisance de celle-ci qui est en cause. Cela permettrait aux régions de garder des marges de manoeuvre financière pour l'élévation des niveaux de qualification de leurs populations, sans limitation de ce niveau, un facteur essentiel pour le développement économique, social, intellectuel, environnemental ...
N'oublions jamais, la formation est un investissement !