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Sécurité sociale, protection sociale : les raisons du débat constitutionnel sur le sujet.

et les dangers de l'amendement voté par LREM

L'affaire Benalla (bien fait pour Jupiter !) a provisoirement mis fin aux discussions sur la réforme constitutionnelle, une réforme dont l'importance mériterait d'ailleurs référendum.
Je ne reviendrai pas dans cet article sur l'ensemble de cette réforme, mais uniquement sur l'aspect concernant la protection sociale, l'amendement 1521, visant à remplacer cette phrase de la constitution " Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique". par celle-ci : "Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale et de la protection sociale obligatoire telle que définie par une loi organique. Compte tenu de leurs prévisions de recettes, elles fixent les objectifs de dépenses de la sécurité sociale et de cette protection sociale obligatoire, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique."

Remarque : la loi de financement de la sécurité sociale n'existait pas dans la constitution de 1958. Elle a été introduite pour restreindre la démocratie sociale (en l’occurrence, les droits des travailleurs à décider eux-mêmes de l'utilisation de l'argent résultant des richesses qu'ils ont produites), tout en imposant des restrictions des dépenses.
Quelle différence entre écurité sociale et protection sociale ?
La différence entre les  notions de protection sociale et de sécurité sociale répond à un usage propre à notre pays. Car si l'on essaie de se référer à la signification ancienne des termes, la protection est une action permettant de mettre à l'abri et selon le Littré la sécurité la "Tranquillité d'esprit bien ou mal fondée dans une occasion où il pourrait y avoir sujet de craindre. En dehors du contexte historique propre à la France, la protection permet donc d'assurer la sécurité !
La sécurité sociale correspond en France à une organisation spécifique définie dans l'article 1 de l'ordonnance du 4 octobre 1945 : "il est institué une organisation, de la sécurité sociale destinée à garantir les travailleurs et leurs  familles  contre  les  risques  de  toute  nature  susceptibles  de  réduire  ou  de  supprimer  leur capacité de gain, à couvrir les charges de maternité et les charges de famille qu'ils supportent"
Mise en place par le ministre communiste du travail, Ambroise Croizat, la sécurité sociale répond à des principes progressistes. "Chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins" traduit le caractère solidaire de la Sécurité Sociale. Depuis sa création, le patronat, aidé des gouvernements successifs n'a eu de cesse de revenir sur ses principes : le financement par la cotisation, liant la sécurité sociale aux richesses produites (mis à mal par la CSG), la gestion par les travailleurs eux-mêmes ...
La protection sociale est une notion plus large. Pour savoir ce qu'elle recouvre, référons nous tout simplement au site officiel "vie publique" à retrouver en cliquant ici.
"La protection sociale est organisée selon quatre niveaux :
- La sécurité sociale fournit la couverture de base des risques "maladie / maternité / invalidité / décès", "accidents du travail / maladies professionnelles", "vieillesse" et "famille". Elle est composée de différents régimes regroupant les assurés sociaux selon leur activité professionnelle (...)

- Les régimes dits complémentaires peuvent fournir une couverture supplémentaire aux risques pris en charge par la sécurité sociale. Certains sont obligatoires (régimes complémentaires de retraite des salariés du secteur privé) et d’autres facultatifs (mutuelles de santé, sociétés d’assurance, institutions de prévoyance).
- L’UNEDIC (Union nationale pour l’emploi dans l’industrie et le commerce) gère le régime d’assurance-chômage.
- Enfin, une aide sociale relevant de l’État et des départements apporte un soutien aux plus démunis."
Il y a besoin d'améliorer la protection sociale en France ! Mais seuls les naïfs, adeptes du macronisme, peuvent penser que cela passe par cet amendement.
Pourquoi cet amendement est dangereux ?
Prenons les différentes fonctions les unes après les autres
- Maladie : les complémentaires ne sont pas obligatoires. La réforme ne concerne donc pas la maladie, sauf à rendre les complémentaires obligatoires pour faciliter de la plus mauvaise manière possible la mise en oeuvre de la promesse électorale du remboursement à 100% de l'optique ou du dentaire ! La bonne solution serait évidemment l'extension du remboursement à 100% par la sécurité sociale. On connaît les dérives des complémentaires vers le tri des risques et des cotisations qui ne sont plus fonction des moyens, la perte de la gestion démocratique, et la part de plus en plus importante des assurances privées par rapport aux mutuelles, voire même directement des banques pour alimenter le monde de la finance contre l'économie réelle.
- Retraite : les retraites des régimes complémentaires du privé sont obligatoires. Il s'agit donc bien de les retirer du champ de la démocratie sociale (gestion par les employeurs et les salariés) pour les faire rentrer dans le champ de la démocratie parlementaire, plus à la main du Président de la République ! Les attendus de l'amendement disent d'ailleurs bien qu'il s'agit de permettre la création d’un système universel de retraite. Je ne m'étendrai pas dans cet article sur la réforme annoncée des retraites, qui mérite à elle seule un article (et même sans doute plusieurs) sauf pour dire que ce que l'on en sait actuellement, c'est qu'il va s'agir d'une réforme profondément insécuritaire : en passant d'un système de prestations définies à un système à cotisations définies, elle ne permettra plus aux salariés de savoir ce qu'ils toucheront comme retraite.
- Chômage : si la sécurité dans l'emploi est nécessaire et si l'assurance chômage répond à quelques principes similaires à la sécurité sociale, le paritarisme, le financement par les cotisations (historiquement tout du moins), il s'agit d'un champ différent. Il n'est pas admissible qu'elle relève d'une loi de financement de la Sécurité Sociale, sauf à faciliter des micmacs financiers comme celui de la loi de financement de la sécurité sociale 2018 avec le transfert de cotisations vers la CSG. Une grande loi pour la Sécurité d'Emploi et de Formation est nécessaire : elle n'a pas besoin de réforme constitutionnelle mais de volonté politique ! A l'inverse de la loi qui vient d'être votée sur la formation professionnelle qui n'a comme objet que la satisfaction du patronat.
- Reste, selon les attendus de l'amendement, le risque "dépendance". Cela témoigne de la volonté gouvernementale de ne pas inclure le financement de la perte d'autonomie dans la Sécurité sociale. Le but serait il de donner au monde de la finance des capitaux supplémentaires par une taxation obligatoire de tous, alors que des ressources nouvelles pour la branche maladie permettraient de prendre en charge globalement les personnes âgées en perte d'autonomie en mettant fin à la distinction arbitraire entre soins et dépendance (le soin n'est-il pas une prise en charge globale ?). Les moyens en existent : il n'est pas tabou de toucher aux cotisations, de les augmenter (et on pourrait les moduler en fonction de la politique sociale et environnementale de l'entreprise), sans parler de la nécessité de faire cotiser les revenus financiers des entreprises (le capital coûte cher !). En lisant un article ces derniers jours sur une nouvelle ouverture de maison de retraite privée, appartenant au groupe Korian, contre le projet portée d'une maison de retraite publique, et en pensant à l'absurdité de développer ces maisons de retraite où l'importance des prix de journée ne permet pas l'accueil de retraités modestes, je me suis demandée si l'objectif du gouvernement n'était pas de faire faire deux fois des profits au secteur privé, une fois par une assurance privée obligatoire sur le "risque dépendance" et une autre fois lors d'un séjour dans une maison de retraite privée, puisque l'évolution se fait au détriment du secteur public !
Il s'agit donc bien de casser l'aspect solidaire que la création de la Sécurité Sociale a institué dans la protection sociale de notre pays, avec une protection sociale à minima pour ceux qui n'ont pas les moyens de payer, de supprimer le lien avec la production de richesses par le passage de la cotisation à l'impôt (sous forme de CSG) et d'alimenter les marchés financiers. C'est une réforme d’insécurité sociale !
Il n'y a pas besoin de moins de sécurité sociale mais de plus de sécurité sociale !

Catégories : santé et protection sociale Lien permanent 0 commentaire

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