Les auteurs se situent dans le cadre économique
actuel, proposant simplement de mieux utiliser l’argent public
dans le cadre budgétaire contraint actuel, sans même évoquer que
cette contrainte n’est qu’artificielle. Leur plaidoyer pour un
service public de la petite enfance et d’aide à domicile pour les
personnes âgées dépendantes n’en a que plus d’intérêt, témoignant
d’une création possible à très court terme … pour autant qu’en
existe la volonté politique. Car, ils le disent bien dès
l’introduction, la situation actuelle est le fait d’un choix de
société, favorisant avant tout les services pour les plus aisés.
Une bonne documentation et une écriture agréable complètent
l’intérêt de la lecture de ce livre.
Il y avait 1 million de domestiques en France au début du XXème
siècle, 200 000 en 1990. Il y a maintenant 1,23 million de
salariés dans les services à la personne, du fait de politiques de
soutien à ce secteur depuis 1986 et surtout 1991 puis avec le plan
Borloo en 2005. Le but était de répondre à des besoins sociaux et
surtout de résorber le chômage en créant un vivier d’emplois peu
qualifiés. La France a été la bonne élève d’une stratégie en fait
européenne, avec des rapports successifs de l’Union Européenne sur
le sujet à partir de 93 et un tournant idéologique en 97 : le
discours féministe cède le pas aux préoccupations économiques et à
la volonté de développer les emplois de service pour que les
femmes qualifiées puissent être plus productives.
Le choix fait en France a été, non de structurer le secteur, mais de solvabiliser la demande par des dispositifs fiscaux, profitant avant tout aux plus aisés, pour un coût estimé de 6,5 milliards d’euros en 2014, un choix que la cour des comptes a dénoncé dans deux rapports, en 2010 et 2014.
Et cela pour des emplois de mauvaise qualité, car le changement de vocabulaire, du domestique à la salariée (à 96 % des femmes) dans les services à la personne, ne change pas le contenu, moins encore les conditions de salaires et de travail : temps partiels, employeurs multiples, bas salaires, dévalorisation du travail effectué, insécurité … Avec le plan Borloo, les personnes deviennent des « produits » dans la campagne publicitaire !
L’objectif quantitatif de création d’emplois a pris le pas sur l’objectif qualitatif, posant la question, à la fois du sort des salariés mais aussi de la qualité des services rendus, surtout quand ils s’adressent à des personnes vulnérables. Le création du DEAVS (Diplôme d’État d’auxillaire de vie sociale) a été un coup d’épée dans l’eau : leurs titulaires n’en retirent qu’un maigre bénéfice financier, trop quand même pour les employeurs et ce diplôme constitue même un frein à l’embauche.
Le champ des services à la personne est très vaste. D’après les études des auteurs à partir de statistiques du ministère du travail, 8 % des heures correspondent à des heures de garde d’enfants, 38 % à de l‘aide à domicile pour des personnes âgées et/ou handicapées et donc 54 %, plus de la moitié, à des services de confort.
Après cet état des lieux, les auteurs se livrent dans le chapitre 3 à l’analyse des conséquences sociales des politiques choisies. Le titre en dit l’essentiel : « Une subvention au confort des plus aisés. » L’argumentation est rigoureuse pour démontrer que le choix fait de déductions fiscales a entraîné une redistribution verticale régressive, c’est à dire en faveur des plus riches, et non en fonction des besoins. Le décile le plus riche de la population bénéficie de 43,5 % de la subvention fiscale. Réduction d’impôt ou crédit d’impôt ne montre pas véritablement de différence d’efficacité sur les créations d’emplois, que ce soit chez les plus riches, où l’aide apportée n’est pas décisionnaire pour le recours à ces emplois de service ou que ce soit chez les ménages modestes : l’utilisation de ces emplois répond à une nécessité absolue et bénéficie le plus souvent avec d’autres aides (APA, aide à la garde d’enfants).
Comme le soulignent les auteurs, ceci conduit à une politique dualiste avec deux régimes :
- les plus modestes ont recours aux emplois de service grâce à la protection sociale.
- les plus aisés bénéficient d’une aide beaucoup moins visible, mais très élevée : 6,6 milliards d’euros.
Ils disent mal comprendre le choix de renoncer à un système universel, sauf que l’explication est sans doute dans l’effet pervers qu’ils dénoncent : une baisse de soutien à la protection sociale dans l’opinion publique. Mais cette dualité ne fait pas société.
Le choix opéré de solvabiliser la demande sans structurer l’offre est lié au libéralisme, qui serait une garantie d’une meilleure utilisation. Mais cela est même en contradiction avec les principes économiques de l’économie de marché, puisque l’allocation de service ne dépend pas du marché mais des revenus des employeurs ! De plus, l’absence de structuration de l’offre par les pouvoirs publics ne leur permet d’en garantir ni la qualité, ni même la répartition géographique, avec des effets très pervers de renoncement aux soins et d’inégalités dans le mode de garde des enfants, alors que de nombreux travaux démontrent l’intérêt pour le développement de l’enfant des services de garde formels.
Les auteurs concluent ce troisième chapitre sur la question des inégalités hommes/femmes : le développement des services à la personne n’a pas pour but de rétablir l’équilibre dans les taches domestiques, mais de les externaliser. L’enjeu économique de mise au travail des femmes a pris le pas sur l’égalité des sexes, avec le développement des inégalités chez les femmes par un transfert de la charge des taches domestiques des femmes les plus qualifiées, vers celles qui ne le sont pas. On pourrait regretter que la démarche des auteurs n’aille pas jusqu’au bout des bonnes alternatives : la réduction de temps de travail de toutes et tous, hommes et femmes, mais sans doute est ce hors sujet !
Cette coûteuse politique est donc en échec, tant en ce qui concerne la réponse aux nouveaux besoins que dans les progrès de l’égalité homme/femme. Les auteurs concluent leur livre sur des propositions d’une autre utilisation de l’argent par le financement direct de services sociaux : service public de la petite enfance et développement des structures d’aide à domicile pour les personnes âgées dépendantes et/ou en situation de handicap, avec des effets bénéfiques pour la création d’emplois, pour leur qualité et pour la réduction des inégalités par redistribution.
On pourra regretter que les auteurs n’aillent pas plus loin dans la définition de ces nouveaux services publics puisqu’en note ils affirment ne pas se prononcer sur la manière dont ces services doivent être rendus : institution publique ou financement d’institutions privées. D’autant plus que la description de la situation qu’ils font donne tous les éléments en faveur d’un service public non sous-traité, à condition, bien sur, d’une gestion démocratique de celui-ci, à la fois par les salariés, les usagers et les élus pour en garantir la qualité. Ce sont des vrais services publics qui sont nécessaires :
- pour les conditions de travail et de salaire : la situation actuelle de trop d’associations d’aide à domicile témoigne de situations dégradées, voire scandaleuses, au nom d’idéaux (gestion non lucrative, activité d’aide à des personnes en difficultés), mais devant répondre aux exigences budgétaires des conseils départementaux ;
- pour la qualité du service rendu, nécessitant formation et reconnaissance de la formation, supposant la résorption des inégalités territoriales :
- pour la dignité des salariés enfin, fonctionnaires au service de ceux qui en ont besoin et non domestiques déguisés.
Même si bien sur, la construction de ces services publics devra se faire en tenant compte de l’existant : les salariés et tous les bénévoles associatifs sont une aubaine pour la construction de services publics démocratiques.
Le choix fait en France a été, non de structurer le secteur, mais de solvabiliser la demande par des dispositifs fiscaux, profitant avant tout aux plus aisés, pour un coût estimé de 6,5 milliards d’euros en 2014, un choix que la cour des comptes a dénoncé dans deux rapports, en 2010 et 2014.
Et cela pour des emplois de mauvaise qualité, car le changement de vocabulaire, du domestique à la salariée (à 96 % des femmes) dans les services à la personne, ne change pas le contenu, moins encore les conditions de salaires et de travail : temps partiels, employeurs multiples, bas salaires, dévalorisation du travail effectué, insécurité … Avec le plan Borloo, les personnes deviennent des « produits » dans la campagne publicitaire !
L’objectif quantitatif de création d’emplois a pris le pas sur l’objectif qualitatif, posant la question, à la fois du sort des salariés mais aussi de la qualité des services rendus, surtout quand ils s’adressent à des personnes vulnérables. Le création du DEAVS (Diplôme d’État d’auxillaire de vie sociale) a été un coup d’épée dans l’eau : leurs titulaires n’en retirent qu’un maigre bénéfice financier, trop quand même pour les employeurs et ce diplôme constitue même un frein à l’embauche.
Le champ des services à la personne est très vaste. D’après les études des auteurs à partir de statistiques du ministère du travail, 8 % des heures correspondent à des heures de garde d’enfants, 38 % à de l‘aide à domicile pour des personnes âgées et/ou handicapées et donc 54 %, plus de la moitié, à des services de confort.
Après cet état des lieux, les auteurs se livrent dans le chapitre 3 à l’analyse des conséquences sociales des politiques choisies. Le titre en dit l’essentiel : « Une subvention au confort des plus aisés. » L’argumentation est rigoureuse pour démontrer que le choix fait de déductions fiscales a entraîné une redistribution verticale régressive, c’est à dire en faveur des plus riches, et non en fonction des besoins. Le décile le plus riche de la population bénéficie de 43,5 % de la subvention fiscale. Réduction d’impôt ou crédit d’impôt ne montre pas véritablement de différence d’efficacité sur les créations d’emplois, que ce soit chez les plus riches, où l’aide apportée n’est pas décisionnaire pour le recours à ces emplois de service ou que ce soit chez les ménages modestes : l’utilisation de ces emplois répond à une nécessité absolue et bénéficie le plus souvent avec d’autres aides (APA, aide à la garde d’enfants).
Comme le soulignent les auteurs, ceci conduit à une politique dualiste avec deux régimes :
- les plus modestes ont recours aux emplois de service grâce à la protection sociale.
- les plus aisés bénéficient d’une aide beaucoup moins visible, mais très élevée : 6,6 milliards d’euros.
Ils disent mal comprendre le choix de renoncer à un système universel, sauf que l’explication est sans doute dans l’effet pervers qu’ils dénoncent : une baisse de soutien à la protection sociale dans l’opinion publique. Mais cette dualité ne fait pas société.
Le choix opéré de solvabiliser la demande sans structurer l’offre est lié au libéralisme, qui serait une garantie d’une meilleure utilisation. Mais cela est même en contradiction avec les principes économiques de l’économie de marché, puisque l’allocation de service ne dépend pas du marché mais des revenus des employeurs ! De plus, l’absence de structuration de l’offre par les pouvoirs publics ne leur permet d’en garantir ni la qualité, ni même la répartition géographique, avec des effets très pervers de renoncement aux soins et d’inégalités dans le mode de garde des enfants, alors que de nombreux travaux démontrent l’intérêt pour le développement de l’enfant des services de garde formels.
Les auteurs concluent ce troisième chapitre sur la question des inégalités hommes/femmes : le développement des services à la personne n’a pas pour but de rétablir l’équilibre dans les taches domestiques, mais de les externaliser. L’enjeu économique de mise au travail des femmes a pris le pas sur l’égalité des sexes, avec le développement des inégalités chez les femmes par un transfert de la charge des taches domestiques des femmes les plus qualifiées, vers celles qui ne le sont pas. On pourrait regretter que la démarche des auteurs n’aille pas jusqu’au bout des bonnes alternatives : la réduction de temps de travail de toutes et tous, hommes et femmes, mais sans doute est ce hors sujet !
Cette coûteuse politique est donc en échec, tant en ce qui concerne la réponse aux nouveaux besoins que dans les progrès de l’égalité homme/femme. Les auteurs concluent leur livre sur des propositions d’une autre utilisation de l’argent par le financement direct de services sociaux : service public de la petite enfance et développement des structures d’aide à domicile pour les personnes âgées dépendantes et/ou en situation de handicap, avec des effets bénéfiques pour la création d’emplois, pour leur qualité et pour la réduction des inégalités par redistribution.
On pourra regretter que les auteurs n’aillent pas plus loin dans la définition de ces nouveaux services publics puisqu’en note ils affirment ne pas se prononcer sur la manière dont ces services doivent être rendus : institution publique ou financement d’institutions privées. D’autant plus que la description de la situation qu’ils font donne tous les éléments en faveur d’un service public non sous-traité, à condition, bien sur, d’une gestion démocratique de celui-ci, à la fois par les salariés, les usagers et les élus pour en garantir la qualité. Ce sont des vrais services publics qui sont nécessaires :
- pour les conditions de travail et de salaire : la situation actuelle de trop d’associations d’aide à domicile témoigne de situations dégradées, voire scandaleuses, au nom d’idéaux (gestion non lucrative, activité d’aide à des personnes en difficultés), mais devant répondre aux exigences budgétaires des conseils départementaux ;
- pour la qualité du service rendu, nécessitant formation et reconnaissance de la formation, supposant la résorption des inégalités territoriales :
- pour la dignité des salariés enfin, fonctionnaires au service de ceux qui en ont besoin et non domestiques déguisés.
Même si bien sur, la construction de ces services publics devra se faire en tenant compte de l’existant : les salariés et tous les bénévoles associatifs sont une aubaine pour la construction de services publics démocratiques.