Si quelques mots peuvent résumer le projet de loi de santé annoncé par Marisol Touraine fin juin ce sont bien ceux-ci. Les promesses du candidat Hollande, les annonces répétées depuis 2012 par les premiers ministres successifs, par la ministre de la santé, se traduisent par le minimum du minimum, avec une mesure phare, la généralisation du tiers payant d'ici 2017. C'est bien mais aussi très insuffisant, car cela ne change rien à tous les restes à charge qui ont cru ces dernières années et qui sont, autant et sans doute plus encore que la nécessité d'avances, cause de bien des retards de prise en charge, d'aggravation des pathologies … et de surplus de dépenses pour la collectivité.
Minimum du minimum dans le domaine de la prévention avec quelques mesures par rapport à la prévention de l'alcoolisme, des toxicomanies – le refrain habituel des lois de santé publique – mais l'impasse, au delà de quelques phrases bienveillantes, sur l'éducation à la santé, sur l'indispensable reconstruction d'une vraie médecine scolaire, sur la prévention des pathologies liées au travail, sur l'alimentation …
De la communication, du changement de vocabulaire, là pas de problème, il y en a. Mais avec quels résultats attendus ? Par exemple, la promotion de la santé en milieu scolaire doit correspondre aux priorités de la stratégie nationale de santé, ce qui est une bonne nouvelle, mais l'histoire ne dit pas quels moyens permettront cette promotion ! Et ce projet de loi, déjà là, ouvre un horizon menaçant, celui d'adapter les objectifs de la promotion de la santé en milieu scolaire aux orientations régionales : des belles phrases pouvant préfigurer le développement d'inégalités selon les régions et le désengagement de la République !
Des belles intentions, mais dans la réalité, le service territorial de santé s'annonce comme le vide sidéral. L'espoir de la création d'un véritable service public disparaît devant une simple coordination de l'existant, de l'information, avec l'appui des ARS, pour renforcer le service au public. Sauf que coordonner pas grand chose donne pas grand chose ! Car il manque l'ambition de sortir du cadre austéritaire de réduction des dépenses de santé, d'aller vers un grand programme de formation de professionnels, d'engager un vrai débat sur les métiers de demain avec tous les aspects, la formation, les conditions de travail, de rémunération, la responsabilité … des professionnels. Le développement de nouvelles pratiques se résume à un saupoudrage de mesurettes, au fil des projets d'articles, répondant à des demandes catégorielles ou à des nécessités liées aux pénuries actuelles, sans que les questions de formation, de reconnaissance de ces nouvelles pratiques, d'intérêt pour la population, ne soient véritablement traitées, quand le sujet n'est pas tout simplement renvoyé à un projet d'ordonnance.
Menaces au programme ! L'évocation de la protection sociale, dès le premier article, dans un flou artistique impressionnant, indiquant que la politique de santé comprend « la prise en charge collective des conséquences financières et sociales de la maladie par le système de protection sociale » est inquiétante par l'absence de réaffirmation des principes de la Sécurité Sociale, son caractère solidaire. Mais c'est aussi toute la partie consacrée au service public hospitalier qui, au delà du non retour sur la loi HPST, ouvre de nouvelles perspectives d'aggravation de la casse du service public, de fermetures au nom des restructurations, de l'application de mesures austéritaires. Avec une parfaite hypocrisie, les missions de l'hôpital public sont réaffirmées, mais ouvertes à la participation du secteur privé ! Les communautés hospitalières de territoires sont remplacées par les groupements hospitaliers de territoires, sans plus de garantie sur la proximité du service public, la satisfaction des besoins, sans un vrai changement de gouvernance, mettant la démocratie au cœur du fonctionnement, donnant des droits nouveaux aux personnels, aux usagers, aux élus, seule garantie d'un véritable progrès qualitatif ! C'est vrai qu'en l'absence de changement dans le mode de financement des hôpitaux, la démocratie est dangereuse pour le gouvernement ! Et les fermetures de services et autres restructurations actuelles ne peuvent qu'amener à la méfiance sur les véritables intentions gouvernementales. Je pense par exemple à la maternité de Vitry le François. A propos, pour ceux qui n'ont pas encore signé la pétition contre la fermeture de cette maternité, cliquez ici.
On pourrait s'amuser, si cela ne traduisait pas la totale méconnaissance des réalités hospitalières par les auteurs de ce projet de loi, de l'obligation faite aux médecins hospitaliers de rédiger un courrier de liaison dès la sortie de chaque malade, mais la loi ne donnera ni temps ni secrétaire supplémentaire aux médecins !
Menaces encore avec des articles se résumant à des principes, et renvoyant à des décrets et tout un arsenal de mesures qui feront l'objet d'ordonnances !
Bref, ce projet de loi ressemble à un devoir obligé du gouvernement dans lequel il réduit au minimum la concrétisation des espoirs des Françaises et des Français, fait un fourre-tout de mesurettes techniquement nécessaires ou simples opportunités de communication et prépare, à travers un verbiage qui se veut rassurant, l'organisation du système de santé en France à un nouvel assaut austéritaire, bien loin de l'ambition nécessaire pour la réduction des inégalités de santé dans notre pays à travers une véritable prévention, en particulier au travail, et par la réduction des polluants et grâce à un service public de santé associé à un remboursement à 100% par la sécurité sociale, garantissant à chacun l'accès aux soins nécessaires.