Au terme d'un très traditionnel psychodrame, les organisations patronales et syndicales (pas toutes !) sont arrivés à un accord sur la formation professionnelle dans la nuit de vendredi à samedi dont nos dirigeants se félicitent : de fait cela va diminuer les dépenses de formation professionnelle des entreprises. Sa transposition dans la loi serait un nouveau cadeau au patronat et un nouvel handicap pour le développement de notre pays en limitant les possibilités de formation des salariés, une formation si nécessaire pour adapter notre pays aux enjeux économiques, environnementaux, sociaux du XXIème siècle !
Le MEDEF avait annoncé vouloir la fin de la contribution légale à la formation : il a fait un pas de côté avec la création d'une contribution mais au total, les patrons des entreprises de plus de 50 salariés seront largement bénéficiaires de la réforme !
Le gouvernement parle de réorientation des milliards de la formation professionnelle des salariés vers les demandeurs d'emploi, mais en fait, il va surtout s'agir d'une diminution des financements de la formation professionnelle, à un moment où elle est si nécessaire.
Changer l'utilisation des milliards dépensés dans la formation des salariés supposerait une réelle habilitation des organismes de formation pour éviter des pseudo formations dont des exemples ont défrayés la chronique ces dernières semaines pour préparer l'opinion à cet accord qui constitue un véritable recul : pour éviter aussi des financements excessifs avec des bénéfices pour des organismes de formation liés au patronat qui vont directement alimenter ses caisses. Cela supposerait aussi de corriger les inégalités d'accès à la formation : les salariés les moins qualifiés, les femmes, ont moins accès à la formation que les autres. C'est 10% du temps de travail qui devrait être consacré à la formation ! Tout cela, on le cherche désespérément dans cet accord !
Quand à la réorientation de l'argent vers la formation des demandeurs d'emploi, deux commentaires :
- tout d'abord, à condition de bien utiliser l'argent de la formation des salariés, comme je l'ai indiqué ci-dessus, il ne semble pas judicieux de diminuer ces financements, sauf à vouloir jeter les salariés comme des kleenex quand leurs compétences seront devenues obsolètes du fait des changements technologiques pour en embaucher des mieux formés par l'argent public.
- ensuite, l'accord présent ne change les choses qu'à la marge avec la transformation du Droit Individuel à la Formation (DIF) en Compte Personnel de Formation (CPF). Le principe va effectivement dans le sens d'une meilleure sécurisation des parcours professionnels, avec la possibilité pour les personnes d'utiliser les heures sur leur CPF quelque soit leur statut, alors que la transférabilité du DIF restait difficile. Mais en pratique, c'est toujours 20 h par an : moins d'une semaine de formation par an ! Au bout de dix ans, un salarié aura 200 h sur son CPF s'il ne l'a pas utilisé, c'est à dire moins de six semaines de formation. Qui croit que s'il se retrouve au chômage, c'est en moins de six semaines qu'il se formera pour un nouvel emploi !
J'aurais l'occasion de revenir à l'occasion des débats qui entoureront le projet de loi sur la formation professionnelle, que le gouvernement annonce pour janvier, sur le compte personnel de formation et ce billet n'est qu'une simple réaction à chaud, à partir des informations que j'ai pu trouvées sur cet accord tout récent, mais il est insupportable de voir nos gouvernants se féliciter de nouveaux cadeaux pour le patronat, tout simplement parce que le MEDEF a su mettre un scène un psychodrame !
Commentaires
Quel article exceptionnelle, j'ai trouvé ce que je cherchais, tout en vous remerciant bon weekend.