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  • Chroniques estivales 8 : #OnVautMieuxQuUnRevenuUniversel

    On observe ces derniers temps une montée de propositions autour de ce que je vais appeler la notion de "revenu universel", avec des noms différents, recouvrant des projets différents ... mais qui me semblent tous aussi dangereux.
    Il y a pour moi une contradiction forte entre ces projets de revenus universels, découplant revenu et travail (sauf pour certains projets type salaire à vie - j'y reviendrai pour dire pourquoi je les assimile quand même) et la volonté de tous ceux qui se sont levés contre la loi travail (bien mal nommée), leur volonté de trouver leur place dans la société et d'y être reconnus, symbolisé par le hashtag #OnVautMieuxQueCa, d'où mon titre.
    Il y a en effet dans notre société une exigence à vivre dignement, c'est à dire, d'une manière indissociablement liée, à avoir les moyens de vivre ( et la montée de la misère rend urgentes des solutions à cette question) et à avoir sa place dans la société, à y apporter sa contribution par le travail. Ce sont ces deux aspects - revenu et place dans la société - qui doivent être traités de manière simultanée et urgente, sans oublier le contexte dans lequel nous sommes, malheureusement plutôt favorable actuellement aux forces du capital, et sans jamais donner prise à la récupération par celles-ci.
    Après un point sur la situation actuelle, je vous dirai pourquoi ces projets de "revenu universel" me semblent dangereux avant de lancer des pistes de propositions.
    De quoi s'agit-il et dans quel contexte ?
    Si j'ai décidé de vous faire une critique en règle de ces propositions autour de la notion de "revenu universel", ce n'est évidemment pas sans savoir l'urgence d'avoir de quoi vivre pour nombre de nos compatriotes, ni sans avoir compris les différences essentielles entre les différentes propositions : la notion de salaire à vie portée par le réseau salariat et le sociologue Bernard Friot remplit, elle, les deux objectifs, de revenu et de place dans la société.
    Les différentes propositions méritent d'être regardées avec ces deux critères, mais aussi avec un troisième : leur faisabilité dans notre société et les risques éventuels de leur mise en oeuvre.
    Car, n'oublions pas que nous sommes dans une société mondialisée, avec une lutte de classes qui oppose la grande bourgeoisie à l'immense majorité des femmes et des hommes, avec dans notre pays une oligarchie qui a concentré pouvoir économique, politique ... et le contrôle des médias ; tout cela dans un cadre européen et l'expérience grecque a montré toute la difficulté d'en sortir par la seule voie politique. Le peuple doit gagner le pouvoir politique. Il doit aussi gagner le pouvoir économique, reprendre le pouvoir sur la finance. Le "dans la rue et dans les urnes" avec un dans la rue signifiant aussi dans les entreprises est plus que jamais d'actualité liant indissolublement le politique et le social comme condition du changement.
    Enfin, disons le clairement : de qui viennent ces propositions ? - de militants, d'artistes ...
    Je n'ai jamais entendu des ouvriers licenciés demander un revenu universel - tout au plus, les plus proches de la retraite aspirent à celle-ci en arguant de l'usure liée à leur métier ; nous sommes là sur autre chose, les questions d'âge de la retraite, de pénibilité. Les ouvriers licenciés veulent retrouver une place dans la société, un travail.
    Je n'ai jamais entendus de jeunes - sauf des militants, des artistes ... - demander un revenu universel : ils veulent une place dans la société, un travail. Ce qui n'est évidemment pas le cas des militants, associatifs de tout genre, syndicaux, politiques car eux ont trouvé leur place d'utilité sociale et il ne leur manque que le revenu.
    Pourquoi ces propositions me paraissent dangereuses ?
    Un mot déjà du salaire universel proposé par Bernanrd Friot. J'entends : "il suffit de ne plus verser de dividendes". Il s'agit bien là d'une question de rapports de force et si le rapport n'est pas là (et dans la situation actuelle, cela me parait relever de la même idéologie gauchiste que d'attendre le grand soir), cela va tendre vers le revenu universel et c'est donc de celui-ci que je vais détailler les risques.
    Deuxième remarque : ces projets de revenus universels sont repris par certains idéologues de droite...  c'est bien que ceci pourrait avoir des avantages ... même pour le capital.
    Ce serait en effet facteur de paix sociale (et ce n'est évidemment pas au nom d'une quelconque idéologie du pire que je refuse ces projets : il y a urgence à assurer un revenu décent à tous. Voir ci-dessous )
    Mais au prix de la rupture du lien entre revenu et production de richesses en déportant des batailles du social vers le politique, le revenu social devant être créé par la loi, en fragilisant donc plus encore les possibilités d'intervention des salariés sur leur lieu de travail pour récupérer une partie des dividendes, pour orienter le développement économique vers la satisfaction des besoins et non la recherche des profits maxima (satisfaction des besoins incluant évidemment pour moi la soutenabilité écologique),  pour transformer le travail en faisant appel à la créativité de chacun.
    Et cette fragilisation de l'intervention des salariés sur leur lieu de travail, quel gain pour les forces du capital !
    Car c'est bien du local au global qu'il est nécessaire de se battre contre la bourgeoisie pour un autre développement économique, pour une autre utilisation de l'argent, au service des 99%.
    Deuxième risque, c'est celui d'un revenu universel devenant revenu minimum tout en justifiant la suppression de très nombreuses autres sources de revenus : indemnités journalière, indemnités chômage, allocation adulte handicapé, bourses d'étude, rémunération de stagiaire de la formation professionnelle ..., sans parler de la suppression des aides connexes (aides sociales  accordées par des collectivités, sous réserve par exemple d'être bénéficiaire du RSA) et au total, le revenu universel serait synonyme de baisse de revenus.
    Tout en justifiant de nouvelles baisses de "charge" pour les entreprises, de cotisation chômage par exemple, bref, de quoi augmenter les dividendes.
    L'expérience Hollande/Valls nous a appris quelque chose, l'imposture sémantique : entendre une parole de gauche et voir mener une politique de droite. Et de ce point de vue, le revenu universel pourrait être un bon objet d'imposture sémantique. Comme d'ailleurs dans un domaine proche, la sécurité sociale professionnelle. C'est avec son numéro de sécurité sociale que l'on peut accéder à son compte personnel de formation, demain à son compte personnel d'activité (une notion très vide !). Pour un gouvernement menteur, il ne reste qu'un tout petit pas à faire pour faire croire à la création de la sécurité sociale professionnelle, sans le moindre rapport avec le projet de la CGT, sans le moindre contenu de nature à véritablement permettre la sécurité de l'emploi dans une alternance emploi/formation.
    Vous allez me dire, il ne suffit pas de critiquer. Mais il y a des propositions permettant tout à la fois de garantir à chacun place dans la société et revenu permettant de vivre dignement !
    - relancer l'économie et cela passe par une autre utilisation de l'argent, du crédit pour relancer l'investissement, là où cela permet de créer des emplois et de satisfaire les besoins des populations en avançant plus vite vers la transition énergétique (rénovation des batiments par exemple)
    - diminuer radicalement le temps de travail (à 32 h dit la CGT, sans doute à moins encore)

    - ces deux mesures nécessitent pour être efficaces des droits nouveaux pour les salariés dans leurs entreprises pour proposer, évaluer la mise en oeuvre.
    - créer une véritable sécurité d'emploi et de formation : la commission économique du PCF, en lien avec les groupes communistes à l'Assemblée Nationale et au Sénat a mis en débat un avant projet de proposition de loi. Vous pouvez le trouver en cliquant ici. Vous verrez, les questions techniques ne sont pas ignorées (il y en a marre qu'on nous dise qu'on ferait bien mais que techniquement, on ne peut pas !)
    - développer les emplois publics : les services publics en ont besoin ! Il faut en finir avec les communes, les associations qui utilisent des emplois dits aidés. Cela se fait pour assurer de vraies taches d'utilité sociale avec l'argent de l'état qui finance une part de ses emplois. Au lieu de contribuer ainsi à la précarisation de toute une partie de la population, le gouvernement ferait mieux d'augmenter les dotations aux communes, de subventionner les associations pour de vrais emplois. (Mais idéologiquement, c'est tellement mieux pour le capitalisme de faire croire qu'une partie de la population ne peut pas travailler sans être "aidée" !)
    - créer une allocation d'autonomie de la jeunesse
    Et si toutes ces mesures de fond doivent être lancées d'emblée, elles doivent évidemment s'accompagner de mesures sociales, le temps que cela fasse effet, comme l'augmentation du RSA.
    J'arrête là ce billet : j'aurais encore beaucoup de choses à dire, sur les liens avec la protection sociale ou sur les aspects concernant plus spécifiquement les femmes ... mais ça fait un mois déjà que j'ai commencé ce billet, que je le rature, le réécris, à la fois à la lumière de l'évolution de ma réflexion, en particulier sur les liens avec la révolution informationnelle, mais aussi pour en dire plus sans l'allonger ... la quadrature du cercle ! Disons que c'est un point d'étape ! Et si tout ce que je n'ai pas abordé peut favoriser la discussion ...

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  • Chroniques estivales 7 : lecture ; la révolution informationnelle

    Comme je le disais dans un précédent billet, je viens de lire La nouvelle société du coût marginal zéro de Jeremy Rifkin : du meilleur et du pire !
    Deux remarques préliminaires déjà : la première, c'est que c'est un auteur américain, et c'est en cela sans doute que ce livre est le plus intéressant. Là bas aussi des questions se posent sur l'avenir du capitalisme ... Autre facette de ce que nous a également montré la campagne de Bernie Sanders. C'est une bonne nouvelle. La seconde, c'est que ce livre ne vaut pas le succès médiatique de son auteur (comme exemple de ce succès, pour ceux qui n'auraient pas suivi, l'ancien président de la région Nord Pas de Calais, socialiste, lui avait demandé de venir conseiller sa région. Xavier Bertrand, nouveau président de droite des Hauts de France, vient de confirmer la poursuite de la démarche, étendue à la Picardie) ou plutôt, cela l'explique : pas trop dangereux pour le capital ! Sans parler d'un art pour noyer le poisson : livre long, avec plein de redites, à croire qu'il est payé à la page !
    Le point de départ du livre est intéressant : la contradiction entre la recherche du profit, moteur des capitalistes, et tout ce qui tourne autour de la révolution informationnelle : ce fait nouveau qu'une information, une fois qu'elle est produite peut être partagée indéfiniment, les possibilités de travail coopératif à distance ...
    Sauf que ce qui sortira de cette contradiction n'est pas inéluctable : J. Rifkin pense probable que l'avenir soit à une société avec beaucoup plus de "communaux" où le capitalisme deviendra marginal. Mais jamais il ne pose la question de l'action collective nécessaire pour avancer dans cette direction, alors que l'on connaît la capacité du capitalisme à se sortir de bien des crises, à surmonter bien des contradictions : Uber, Amazon ... pour être dans l'actualité de ce début de siècle. La question de la lutte de classe est absente de ce livre, alors que la mobilisation populaire est bien l'élément déterminant du mode de sortie de cette contradiction majeure actuelle.
    "Une économie de la pénurie cède lentement la place à une économie de l'abondance" : cette idée revient à de nombreuses reprises tout au long de ce livre. De fait, on peut passer d'une période de pénurie de l'information à une période d'abondance de l'information : c'est techniquement possible. Encore faut il qu'il y en ait volonté ! Car je n'ai pas vu dans ce livre poser les questions du contrôle de l'information, des libertés ... Mais abondance d'énergie ??? J'ai cru jusqu'à la fin trouver une réflexion sérieuse sur le sujet, car qui dit énergies renouvelables dit aussi entretien des installations, matières premières, recyclage ... bref, pas forcément un coût marginal zéro. Je n'ai pas trouvé ! Tout cela est assez virtuel ! Et évidemment, dans cette économie d'abondance, on ne parle pas eau, alimentation ...
    Pour rester dans le concret, j'ai illustré cet article avec une photo de mes cadres de lecture en cet été : la forêt d'Ardenne, là une photo prise à la frontière belge, au confluent de la Hulle et de la Houille, le bois, l'eau ....
    J'avais espéré une conclusion concrète : quelle déception ! La fin est moralisatrice .. l'abondance serait surtout celle des relations humaines si - et là j'espère que ce n'est qu'une question de traduction - notre société devient moins matérialiste en souhaitant évidemment que ce terme ne soit pas écrit dans son sens philosophique.
    "Ne vous en faites pas : la société va devenir meilleure pour autant que l'on s'empare des nouvelles techniques" semble être le sens profond de ce livre. Et n'hésitez pas à utiliser les formes de l'économie capitaliste : elles disparaitront d'elles mêmes. C'est évidemment une forme de passivité que je ne peux accepter !
    Au delà de toutes ces critiques, ce livre est bien documenté, même si le parti pris entraine des lacunes et il y a de belles formulations à retenir, qui font d'autant plus plaisir à lire que, rappelons le l'auteur est américain.
    Mais pas de quoi donner 350 000 euros à son auteur comme l'a fait la région Nord Pas de Calais (source la Voix du Nord et pour en savoir plus sur cette collaboration, cliquez ici.) Vous y apprendrez que la commission européenne veut aussi lui donner une mission !
    Si vous voulez mieux comprendre véritablement la révolution informationnelle, lisez plutôt Economie et Politique. Le dossier de son dernier numéro porte sur ce sujet. Il est en ligne en cliquant ici.

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