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  • Chroniques estivales 2 : le CPA, un gadget qui pourrait être dangereux.

    Le gouvernement avait rêvé faire oublier la situation sociale et politique avec une victoire de la France à l'Euro 2016. C'est loupé ! Reste que l'équipe de France de football a fait un remarquable parcours et le bonheur des supporters portugais fait partie de la joie du sport ! D'ailleurs, quelle naïveté de penser que le foot pourrait effacer la loi El Khomri, le 49.3 et le reste : les Français savent faire la part des choses !
    A propos de la loi El Khomri, revenons sur le CPA, le compte personnel d'activité, qui serait pour certains le grand plus de cette loi. Il n'y a en fait pas grand chose de neuf sous le soleil ! Mais un grand danger à venir, celui d'un mensonge comme ceux qu'aime le gouvernement Hollande/Valls.
    Pas grand chose de neuf sous le soleil, car c'est surtout mettre sous le même intitulé deux dispositifs qui existaient déjà : le CPF (compte personnel de formation) et le compte pénibilité.
    - le CPF : rappelons nous. Sa création s'est accompagnée d'une baisse des cotisations formation des entreprises. On a surfé sur la mauvaise utilisation de celles-ci. Et on a jeté le bébé avec l'eau du bain, réduit les possibilités de formation des salariés plutôt que d'avoir des exigences sur la qualité, sur la nécessité de former même et surtout les salariés les moins qualifiés (sans pour autant freiner la formation des cadres, indispensable pour favoriser le progrès - il faut juste freiner les séminaires au soleil !). Et l'utilisation du CPF reste marginale, sauf pour les demandeurs d'emplois - je vais y revenir - car c'est d'utilisation complexe, car le nombre d'heures autorisées ne suffit pas pour une formation longue permettant d'accéder à un niveau supérieur de qualification. Il aurait fallu, comme le proposait la CGT, fusionner le CPF et le CIF (congé individuel de formation). Quant aux demandeurs d'emploi qui ont bénéficié d'une formation en utilisant leur compte personnel de formation, ils auraient pour une bonne part pu bénéficier de la même formation, avec un financement Pôle Emploi ou Conseil Régional. Evidemment, cela a accru les masses financières, permis donc plus de formations ... mais pas créé d'emplois !
    - le compte pénibilité : il est à l'ordre du jour en ce moment puisque le 1er juillet était la date d'une nouvelle phase de mise en oeuvre. Vous avez vu : une pleine page dans l'Ardennais-L'Union de samedi pour expliquer pourquoi les entreprises ne veulent pas appliquer la loi. C'est un parfait scandale. C'est effectivement une usine à gaz, mais on oublie de dire que cette complexité n'est que le résultat de la volonté des organisations patronales de tout faire pour minorer la pénibilité au travail.
    Un nouveau gadget : le compte d'engagement citoyen est le troisième volet du CPA. Evidemment, c'est une bonne chose que l'engagement citoyen, le bénévolat soient valorisés. Encore faut il que ce ne soit pas que de la communication ! Ce compte d'engagement citoyen devrait permettre des heures de formation. Un décret devrait en préciser les modalités. Espérons que ce ne soit pas, là aussi, une usine à gaz inutilisable ! L'état financerait des formations à des bénévoles associatifs. Bien ! Sauf que quand je lis le projet de loi, pour acquérir des heures sur son compte personnel de formation pour un militant associatif, le bénévole doit sièger "dans l'organe d'administration ou de direction de l'association ou participe(r) à l'encadrement d'autres bénévoles, dans des conditions, notamment de durée, fixées par décret ". C'est le chat qui se mort la queue, car la proposition de formation est souvent une condition à l'acceptation de responsabilités dans une association et là, on pourra se former ... quand on n'en aura plus besoin (expression fausse, car on a toujours besoin de se former, mais vous voyez ce que je veux dire). Cela renvoie en plus à une conception très individualiste : ce n'est pas l'association qui réfléchit à son programme de formation, à ceux qu'elle décide de former, mais ce sont ceux qui ont des heures sur leur compte qui peuvent se former. C'est très très loin de ce que j'avais mis en place en Champagne Ardenne avec la CRESCA (Chambre Régionale de l'Economie Sociale en Champagne Ardenne) ouvert à tous les bénévoles associatifs (vous pouvez voir le programme 2016 en cliquant ici ... en espérant que le Grand Est continue le financement en 2017 !).
    Nous sommes dans une conception individualiste, avec le compte d'engagement citoyen, comme globalement avec le CPA : et c'est cela le grand danger, cette assimilation des droits individuels nécessaires à des hommes et des femmes en interaction avec les autres à des dispostifs renforçant l'individualisme : ce n'est pas l'association qui est concernée, mais le bénévole associatif (c'est quand même assez caricatural, car c'est précisément antinomique avec la notion d'association). Ce n'est pas l'entreprise qui est concernée par la pénibilité, mais le salarié qui acquiert des points, avec sans doute un jeu à venir de répartition de la pénibilité entre salariés pour ne pas atteindre les seuils, plutôt qu'une réflexion sur la baisse de la pénibilité ! Ce n'est pas non plus l'entreprise qui est concernée par "l'employabilité" future de ses salariés (pour reprendre ce terme horrible), mais le salarié seul. Et s'il n'a pas suivi les progrès technologiques, on le jettera comme un kleenex ... pour reprendre un jeune ayant acquis un plus haut niveau de formation grâce à l'Education Nationale (ce qui n'empêche pas le patronat de dénigrer ...). Et avec une future loi rajoutant quelques virgules, le CPA pourrait se transformer en sécurité sociale professionnelle, à cent lieux du projet de la CGT : ce ne serait qu'une imposture de plus, un nouveau mensonge, tout sauf une véritable sécurisation des parcours professionnels pour reprendre ce terme admis par tous avec des contenus, eux fort différents, car pour être véritable, elle suppose la responsabilité des entreprises. Et je pourrais continuer avec les conséquences sur la protection sociale ... Il y avait à ce sujet un excellent article sous la plume de Dominique Sicot dans le dernier numéro de l'Humanité Week End : "il (le CPA) comporte en germe l'explosion des garanties collectives de protection sociale au profit de droits individuels. C'est déjà le cas du compte pénibilité, qui, à la reconnaissance de métiers pénibles, a substitué la prise en compte d'exposition individuelle à certains critères de pénibilité. Toute la logique du CPA repose sur un « compte » de « points » attribués aux individus ­ en gros, du prêt à privatiser le système de protection sociale. Il ne vise pas à émanciper les travailleurs, mais à les adapter aux demandes de main-d'oeuvre ..."

    Catégories : Au fil des jours, Champagne Ardenne, Education, formation Lien permanent 11 commentaires