Dans le cadre de l'inféodation du gouvernement aux volontés du MEDEF, la contribution de celui-ci au débat sur la Stratégie Nationale de Santé mérite d'être lue avec grande attention. (Vous pouvez la trouver en cliquant ici).
Ballon d'essai pour la future feuille de route du gouvernement ? L'affichage de celui-ci de ne pas toucher au coût du capital, mais de s'en prendre aux salariés, retraités ou privés d'emploi peut le laisser penser !
Deux remarques préalables, avant de vous résumer les propositions du MEDEF :
- la volonté, mais on n'en attend pas moins du MEDEF, de favoriser l'opposition entre les générations, en insistant sur le poids de la dette pour les générations futures, dans une perspective de séduction de la jeunesse à ses propositions.
Evidemment, en omettant de dire que la dette n'existe que par la ponction des banques et la charge des profits. Et bien loin de l'esprit pérenne du Conseil National de la Résistance de solidarité intergénérationnelle, de solidarité tout simplement, condition de l'émancipation humaine.
- la deuxième remarque sera ironique : c'est la valorisation dans ce texte de la prévention : "trop curatif et pas assez préventif", c'est ainsi que le MEDEF caractérise notre système de santé. Une banalité ? Pas dans la bouche du MEDEF. On pourrait rêver que dans la bouche de cette organisation patronale, ce ne soit pas que des mots et que cela s'accompagne de propositions pour la prévention au travail, un intérêt pour la réduction des nuisances environnementales, une volonté de prévention des risques psychosociaux au travail ... Que nenni ! Le silence sur le rôle des conditions de travail dans la maladie est un signe manifeste de l'obscurantisme de cette organisation.
Venons en aux propositions du MEDEF : ce n'est rien moins qu'une ponction de 25 à 30 milliards d'euros sur les salaires, une dégradation du rapport rémunération du capital, rémunération du travail sans précédent dans le seul but de mieux rémunérer les actionnaires. Je schématise ? Non : réduire le budget de la sécurité sociale, c'est réduire les salaires, même si c'est indirectement !
Ces milliards se répartissent en 15 à 20 milliards de réduction des soins ou d'augmentation des restes à charge et le complément en charge pour les salariés et en développement des inégalités de santé.
- La réduction des soins est affichée sous le discours trompeur d'efficience et d'innovation, mais comme concrètement les rémunérations des personnels de santé représentent autour des trois quarts des dépenses, cela va être une saignée sans précédent dans ces personnels et l'on sait toute leur importance. Notons à ce propos la collaboration de la Fédération Hospitalière de France, dirigée par un élu de droite, qui vient d'annoncer comment faire des économies à l'hôpital (dans un discours langue de bois, mais dont la traduction concrète c'est suppression de personnel et fermeture de services). Ils font assaut de sornettes et le MEDEF va jusqu'à prôner des organisations dites innovantes autour du "do it yourself", faites le vous même. Où est l'Humain ?
On remarquera au passage sa défense du secteur privé (il est dans son rôle de défense de sa chapelle !), vantant les capacités du privé pour prendre en charge les urgences (en oubliant évidemment la question majeure des " déserts médicaux" où c'est moins rentable), réclamant le retour à la convergence tarifaire, la reprise par le privé des hôpitaux en "quasi faillite" plutôt que leur soutien par les ARS.
C'est aussi l'appel à la responsabilité des assurés pour reporter quelques milliards d'euros de dépenses sur eux : jour de carence, recentrage des affections de longue durée prises en charge à 100% sur les atteintes les plus graves, dans une perspective de santé publique totalement irresponsable : la prise en charge précoce de pathologies comme le diabète ou l'hypertension artérielle peut permettre d'éviter des accidents de santé dramatiques ... et couteux !
- La deuxième partie des propositions du MEDEF repose sur la remise en cause de la protection sociale. Evidemment, on ne peut que s'associer à la demande d'un débat démocratique et à la critique des incohérences de la politique actuelle. Mais les convergences ne peuvent dépasser des simples remarques préliminaires.
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
Faire simple, en répondant aux aspirations de la population, ce serait suivre les propositions du PCF de remboursement à 100% des dépenses de santé par la sécurité sociale, supprimant effectivement la double gestion par la sécu et par les mutuelles et permettant à toutes et tous d'accéder aux soins nécessaires.
Mais cette efficacité et cette simplicité ne sont pas celles du MEDEF, avant tout préoccupé par le bien être des actionnaires. Son aspiration à tuer la sécu pour pousser à un modèle "concurrentiel" transparait. Mais il préfère rester "réaliste" dans un discours qui ne peut que faire craindre qu'il n'ait déjà l'approbation des Vall's & Co : réduire les dépenses de la branche maladie pour les reporter sur les mutuelles, pas tant sur le socle obligatoire pour les salariés du secteur privé, conformément à l'ANI de 2013 couvrant "un panier de soins minimum défini au niveau du panier ANI" que vers la liberté pour les femmes et les hommes de prendre une assurance complémentaire, en fait la liberté de réduire leur pouvoir d'achat et de ne pas se soigner ! Bref, à l'opposé des propositions du PCF, le MEDEF veut accentuer les inégalités de santé !