Il convient sans doute de resituer le débat
français à quelques mois des élections présidentielles dans le
cadre européen et mondial. En quelques phrases, même si cela
nécessiterait de longs développements, disons que nous sommes dans
une nouvelle phase du capitalisme qui, pour dépasser ses
contradictions, a besoin de réassurer sa domination sur le monde,
de trouver des exutoires à la colère populaire qui gronde partout,
car les énormes potentialités liées au développement sans
précédent des techniques ont accru les inégalités. Les médias
mondialisés exposent chaque jour le cadre d'une vie moins pénible,
plus épanouie, faisant rêver, mais inaccessible au plus grand
nombre. Et l'action de l'homme sur la nature, sans discernement,
est une menace pour les générations futures, avec déjà des
conséquences actuelles. Les grandes multinationales dominent le
monde, sans contrôle des états, des peuples : c'est la recherche
du profit qui gouverne le monde ! Et 99% de la population en subit
les conséquences. Les capitalistes débridés doivent assurer leur
domination, à quelques uns contre l'immense majorité. Quel
meilleur moyen pour cela que de diviser ! C'est tout le sens de
ces politiques de droite extrême qui se développent, l'élection de
D. Trump aux Etats Unis en étant un exemple criant : rejet de
l'étranger, rejet du pauvre et il faudrait sans doute analyser
plus profondément les mécanismes psychologiques sur lesquels joue
le capitalisme : quand on est travailleur pauvre, mais que l'on
vote pour des politiques d'exclusion des pauvres, c'est une
manière de se réassurer : "Je ne suis pas en bas de l'échelle
sociale...."
Venons en à la France. Déjà pour dire que sa voix compte dans le
monde, son passé révolutionnaire, son histoire, ses philosophes,
savants ... et pour autant qu'elle cesserait ses politiques
néocolonialistes de gendarme du monde, la France pourrait être
écoutée ! Et si le désamour du peuple de France avec son président a
été aussi rapide, aussi profond, c'est bien parce qu'il a tout de
suite abdiqué en 2012 toute parole de progrès au sein de l'Europe,
se pliant aux diktats de la commission européenne et d'A. Merkel. Je
vous passe la suite.
Quelques mots d'histoire ensuite : cette longue alternance droite
gauche depuis 1981 ; jamais plus d'une législature de gauche et au
bout, la sanction, une sanction qui a pris un tour caricatural en
2002 avec l'élimination de L. Jospin du second tour des
présidentielles et ce duel Chirac/Le Pen. Pourquoi la gauche, mais
faut il parler de gauche, au risque de salir ce mot issu de la
révolution française, ne faut il pas plutôt dire les socio-libéraux
n'ont pas réussi à convaincre ? Parce qu'ils ont toujours voulu
ménager la chèvre et le chou ! Et laisser à la droite, au capital,
les moyens de rebondir, faute de mesures radicales diminuant le
pouvoir des nuisibles pour le donner au peuple.
Qu'est ce que je veux dire par là ? Deux exemples. Le premier, celui
d'une mesure radicale, l'instauration de la Sécurité Sociale en 45
par le ministre communiste Ambroise Croizat. La sécurité sociale est
encore là 70 ans après, certes attaquée, mais plébiscitée par les
Français. L'autre d'une mesure mi chèvre mi chou, les 35 h, mi
chèvre mi chou car n'obligeant pas suffisamment à des créations
d'emplois et accompagnée d'un arrêt de la hausse des salaires. Elle
est critiquée par ceux qui ne gagnent pas de quoi vivre dignement.
Elle s'est accompagnée d'une intensification du travail dans trop
d'endroits et je pense particulièrement aux hôpitaux.
Alors comment changer ? Changer, cela veut
dire rassembler sur un programme.
Un programme radical.
Je vais commencer et plus détailler ce que je
connais le mieux : la sécu. Une proposition radicale, c'est le
100% sécu. Qu'est ce que cela veut dire ? Déjà remettre la sécu au
coeur de la protection sociale et revenir à une gestion
démocratique en rétablissant les élections des administrateurs, en
supprimant le pouvoir de l'Etat (la loi de financement de la
sécurité sociale par exemple), du patronat. La sécu, c'est de
l'argent public, qui nous appartient, et qui n'est pas thésaurisé
: les cotisations d'aujourd'hui paient les prestations
d'aujourd'hui ... à la différence des fonds de pensions qui jouent
sur les marchés financiers et contribuent à déstabiliser
l'économie mondiale. Il faut donc élargir son champs, au lieu de
favoriser le recours aux assurances privées, pour la perte
d'autonomie par exemple : des assurances privées qui aimeraient
bien avoir plus d'argent pour enrichir leurs actionnaires,
favoriser les investissements spéculatifs et qui font le tri des
risques couverts. Le 100% sécu, c'est aussi plus précisément pour
l'assurance maladie aller vers le remboursement à 100% des soins
prescrits par la sécu. Plus besoin de mutuelles qui gaspillent
leur argent dans leur mise en concurrence et ont des frais de
gestion bien plus élevées que la sécu. La richesse militante des
mutuelles pourrait se tourner vers d'autres buts comme
l'éducation à la santé. D'autant plus que les mutuelles sont le
cheval de Troie des assurances privées qui ne cherchent qu'à
s'enrichir sur le dos des malades. Et la mise en application de la
mutuelle obligatoire en entreprise (une de ces mesures mi chèvre
mi chou) est en train de se traduire par une augmentation des
mutuelles pour les non salariés, retraités en particulier : la
perte totale des valeurs de solidarité. Et, évidemment, avec ce
100%, un tiers payant facilité pour les professionnels de santé !
On finance comment ? Il y en a des propositions à porter au débat
! Mieux réprimer la fraude des entreprises déjà ! Faire cotiser
les revenus financiers des entreprises à hauteur de la cotisation
patronale : cela rapporterait 80 milliards d'euros ! Cela pourrait
avoir un effet dissuasif sur les entreprises qui préfèrent payer
leurs actionnaires et spéculer avec leurs profits qu'investir ! Et
puis, évidemment, il faudrait revoir les cotisations, en finir
avec les exonérations de cotisations, majorer celles des
entreprises qui suppriment des emplois pour augmenter leurs
profits ... J'arrête là ce paragraphe, même s'il y aurait encore
bien des choses à dire et je termine avec deux idées forces. La
première c'est qu'il s'agit là effectivement d'une proposition
radicale, car elle remplit deux conditions : elle répond mieux aux
besoins de la population et elle s'attaque au pouvoir du capital,
à la financiarisation de l'économie. La seconde, c'est
qu'évidemment, pour que la sécu continue de s'attaquer au pouvoir
du capital, il faut que son financement reste basé sur la
cotisation. Se tourner vers la CSG, une TVA sociale, que sais-je,
c'est se priver de limiter les pouvoirs du capital. C'est aussi
une aberration économique puisque ce ne serait plus en lien direct
avec les lieux de production de la richesse et que l'on ne peut
redistribuer que ce qui est produit !
Il y en a plein d'autres des propositions de ce type, pour
faciliter l'accès aux entreprises qui répondent à des besoins
sociaux, pour les salaires, pour arriver à une société zéro
chômeurs. Evidemment, il faut changer la constitution,
révolutionner l'Europe ...
Rassembler sans anathème
La constitution française a transformé les choix politiques
en un combat de coqs ! Et si l'on ne veut pas revivre le second tour
de 2002 des élections présidentielles, il faut rassembler très
largement, tous ceux qui ne veulent pas d'un retour triomphant de la
droite, de ses 500 000 fonctionnaires supprimés, à l'école, à
l'hôpital ..., même si ce ne sont pas des révolutionnaires nés !
C
hanger, cela suppose donc de faire des
propositions qui répondent aux besoins des populations et qui ne peuvent être récupérées par le capital et de
rassembler largement.
C'est dans ce cadre que se passe la consultation
des communistes : faut il soutenir JL Mélenchon ou désigner un
candidat du parti communiste, pour porter l'idée du
rassemblement nécessaire.
Question
délicate pour laquelle il n'y a pas LA réponse !
Prenons la question du
rassemblement. A première vue, les sondages témoignent d'une
fraction importante de la population intéressée par JL
Mélenchon et désigner un candidat communiste ne serait
que mettre un candidat de plus dans la division de la gauche,
une décision mortifère !
Mais
quelle est la capacité de JL Mélenchon de rassembler au delà ?
Cela suppose de faire aller dans les bureaux de vote ceux qui
s'abstiennent traditionnellement, et de faire voter pour lui
des électeurs traditionnellement socialistes. Bien
contradictoire avec le "plus jamais avec les soc ...", car
tous les déçus du gouvernement actuel, ceux qui avaient cru en
Hollande, sont prêts à voter plus à gauche, à condition d'être
respectés !
Regardons le programme
maintenant. Il a largement repris le programme partagé de
2012. Un bon point.
Mais,
déjà, il a tranché des sujets non tranchés en 2012, la
question du nucléaire par exemple. Elle divise la gauche.
Prenons en acte, plutôt que de rejeter ceux qui ne pensent pas
comme JL Mélenchon. Ce programme n'est donc pas rassembleur.
Et en plus il se plie
aux sirènes du social libéralisme, propose de fusionner
l'impôt sur le revenu et la CSG pour financer la sécu. Il
condamne ainsi notre peuple à ne plus pouvoir agir sur le
rapport de ce qui va aux salariés et de ce qui va au patronat
dans la répartitiion des richesses produites.
Cela me donne
l'impression que "plus jamais avec les soc", c'est pour les
femmes et les hommes, pleins de bonnes volontés, souvent aussi
de craintes, mais pas pour leurs idées et pourtant, c'est de
leurs idées que l'on a soupé, ces demi-mesures qui ne règlent
rien voir qui aggravent les problèmes.
Alors, oui,
décidément, il me semble qu'il faut que le PCF ait son propre
candidat pour porter une autre idée du rassemblement et on verra !