Une fois n'est pas coutume et, alors que je
répète qu'en ce moment, la lecture de la presse locale donne
au moins deux mauvaises nouvelles par jours, deux raisons de se
mettre en colère,
j'ai souri ce matin à la
lecture de l'interview de B. Detrez, le président de la
chambre des métiers et de l'artisanat des Ardennes : "
C'est
compliqué de résumer l'apprentissage en disant que chaque
entreprise n'a qu'a prendre un apprenti..." et à très juste titre
il rapproche la question de celle des raisons qui conduisent les
entreprises à embaucher, leurs besoins. Je poursuivrais volontiers
le raisonnement : la question essentielle pour les entreprises
n'est elle pas celle de leur carnet de commandes ? Plein, il
incite à l'embauche et le gouvernement n'a t-il pas tout faux avec
sa politique économique de l'offre plutôt que de la demande ?
Puisque j'ai commencé un article sur le
sujet de la formation professionnelle, continuons ! Même
si j'avais plutôt prévu d'attendre les actes des nouveaux élus
régionaux pour ne pas me livrer à un pur procès d'intention.
Tout d'abord un clin d'oeil vers les dires de J.L. Warsmann : il a
si souvent répété qu'il fallait que chaque entreprise embauche un
apprenti. Arrivé au coeur de l'exécutif régional, il est
maintenant au pied du mur !
Quelques mots sur les élus en charge de la formation
professionnelle dans le grand est : des cumulards entre le
vice-président G. Cherpion, par ailleurs député, et la présidente
de commission, adjointe au maire à Reims, que l'on ne voyait plus
guère à Châlons depuis les dernières municipales. Mais peut-être
que la formation professionnelle est annexe. G. Cherpion connaît
bien ces questions. Si vous voulez savoir pour qui il roule, juste
un exemple : c'est lui qui a défendu une proposition de loi visant
entre autre à supprimer le compte pénibilité. C'est vrai que celui
- ci est une usine à gaz. Mais ce sont bien les organisations
patronales qui ont voulu mettre plein de barrières pour faire en
sorte que les salariés en bénéficient au minimum. Sauf qu'on pourrait le simplifier en donnant plus de droits pour les salariés : G. Cherpion voulait tout simplement supprimer toute possibilité d'une retraite un peu moins tardive pour ceux qui ont des métiers pénibles. On a compris : il roule
pour le patronat ! Pour compléter ce trop rapide tableau, ajoutons
que c'est la même élue qui est en charge de la jeunesse et de l'orientation : cela m'inquiète car on ne peut limiter la question
de l'orientation à celle de la jeunesse d'autant plus que pour une
bonne part, en ce qui concerne la jeunesse, l'état assume à
travers l' Éducation Nationale et c'est heureux car gage du même
service public partout en France. La question de l'orientation
pour les adultes est de plus en plus cruciale, d'autant que
l'accès facile à un conseil en évolution professionnelle est le
pendant nécessaire à la mise en place du compte personnel de
formation, si l'on ne veut pas, qu'une fois encore, la formation
n'aille qu'aux plus qualifiés, à ceux qui savent comment ça
marche.
Venons en enfin aux débats nationaux du moment. Avec une
surenchère entre la droite et le PS sur l'adaptation nécessaire de
la formation aux besoins des entreprises. Mais de quels besoins
s'agit-il ? Encore faudrait-il qu'elles le disent ! Car à part
quelques emplois très qualifiés, c'est surtout la multiplication
des offres d'emplois en CDD qui multiplie le nombre d'emplois
apparemment non pourvus ou des offres d'emplois farfelues pour ne
pas dire scandaleuses, comme celles exigeant une grosse expérience
professionnelle pour un salaire de débutant. Je ne reviendrai pas
ici sur ma rencontre avec la ministre du travail ( vous pouvez
retrouver mon article à ce sujet en
cliquant
ici). J'avais été
épouvantée par sa vision de la société, sa méconnaissance de ce
que c'est le service public, ce qu'est le monde du travail. Comme
le gouvernement pratique une politique de droite, la droite ne
sait faire que de la surenchère sur la mise en oeuvre, sur
les résultats, évidemment insuffisants quand on limite
l'évaluation au taux d'insertion dans l'emploi, car la question
n'est pas la mauvaise adaptation de la formation aux besoins des
entreprises, mais le nombre insuffisant d'emplois. Cette
surenchère devient particulièrement criminelle quand il
s'agit des jeunes.
Dans cette société qui évolue de plus en plus
vite, le besoin d'une formation longue, ouvrant le champ des
possibles, émancipatrice, est plus que jamais nécessaire.
Mais, en surfant sur le désir de jeunes de quitter l'école le plus
vite possible, sans se demander pourquoi, en surfant sur
l'inquiétude des parents par rapport à l'avenir de leurs enfants,
la droite et le PS surenchérissent sur le lien formation emploi :
limiter la formation à la future insertion professionnelle évite
de former des citoyens qui pourraient contester. Il faudrait, pour
les défenseurs du capital, réserver l'acquisition des savoirs
complexes à une élite, de préférence aux "héritiers" du patronat.
Et pour mieux adapter la formation aux besoins immédiats de
l'emploi, les voilà près à expérimenter de nouvelles
décentralisations ! Est ce pour se confronter à une démocratie
participative exigeante avec les salariés, les demandeurs
d'emplois, auquel cas j'applaudirai à deux mains, ou pour le
plaisir d'un pouvoir renforcé ? Le second me paraît
malheureusement plus probable. C'est vrai que les mécanismes de la
formation professionnelle sont complexes, souvent faits de
compromis, mais le rôle de l'état est sans doute déjà trop faible
pour garantir les mêmes droits partout et la concertation avec les
organisations syndicales et patronales indispensable : la
meilleure formation n'est elle pas celle qui évite la case chômage
? Il y a beaucoup de choses à améliorer mais ne changeons pas pour
changer, pour permettre à des potentats locaux de se faire plaisir
ou pour que le PS se décharge de sa responsabilité sur des régions
passées à droite !