Pour la première fois,
le
financement par la fiscalité devient majoritaire pour
l'assurance maladie : l'état, qui avait déjà
beaucoup imposé à la CNAM et aux CPAM, va pouvoir se passer de
l'avis des partenaires sociaux pour mieux servir les intérêts des
assurances privées !
Et pour ceux qui douteraient des cadeaux au patronat,
la transformation du CICE (Crédit
Impôt Compétitivité Emploi) en exonérations de cotisations
sociales définitives, avec double cadeau en 2019 (à la fois
bénéfice du CICE et exonération des cotisations sociales) est là
pour témoigner que pour le gouvernement, le travail est une
charge, pas une richesse ... et pourtant, à quoi servirait le
capital sans lui !? Même France Stratégie, une institution
rattachée au Premier Ministre, estime, dans son rapport, que le
CICE s’apparente surtout à une politique publique
inconditionnelle de reconstitution des marges des
entreprises. Et le dernier rapport annuel du
comité de suivi du CICE conclut à un effet modéré du dispositif
sur l’emploi. Les estimations sont difficiles et l'incertitude
grande vu l'absence d'exigence de contrôle sur les entreprises.
En prenant le chiffre moyen de 100 000 emplois créés
ou sauvegardés pour un manque à gagner pour l'Etat de 20
milliards d'euros, cela fait un coût de 200 000€ par emploi,
incomparable avec le coût des contrats aidés que le gouvernement
supprime, avec ses conséquences personnelles, pour ceux qui ne
voient pas leur contrat renouvelé, mais aussi collectives du
fait de l'importance de l'utilité sociale de la plupart de ces
emplois.
Analysons plus profondément la
philosophie de ce PLFSS !
Remarquons en préalable qu'il vient au moins trois semaines
plus tôt en débat à l'Assemblée Nationale que les années
précédentes, au milieu du débat sur le budget, histoire de mieux
faire comprendre l'intrication des deux, l'étatisation voulue de
la sécu (et de fait, quand les Macron/Philippe expliquent que la
hausse de la CSG chez les retraités va être compensée par la
baisse de la taxe d'habitation, c'est très intriqué !) et sans
doute de donner des gages de "bonne conduite" à la
commission européenne et aux
grands capitaux européens.
Après la réforme du code du travail, pour plus de sécurité du
patronat ... et d'insécurité des salariés,
la
réforme de la sécurité sociale semble le deuxième volet du
gouvernement, avant celui sur la formation
professionnelle et l'assurance chômage,
pour
aller vers une législation
du travail européenne minimale de protection des salariés
: ce PLFSS
2018 poursuit le travail de réduction à peau de chagrin de la
contribution des employeurs au financement de la protection
sociale et d'autre part cherche à concrétiser le cadre
institutionnel
et financier permettant l'implication pleine et entière des
complémentaires de santé dans la gestion de l'offre de soins. Ces
deux axes d'attaque sont articulés et très
cohérents l'un avec l'autre.
Le précédent gouvernement avait déjà fait un pas important en ce
sens en supprimant les cotisations sociales patronales de la
branche famille et en remettant en cause
son principe d'universalité. La Macronie utilise, poursuivant la
transformation en allocations à caractère social, servant à la
lutte contre la pauvreté et non à la politique familiale,
transformant l'objectif de développement des capacités humaines du
pays, moyen de dépassement du capitalisme, en palliatif à ses
horreurs. Et concrètement, les grandes annonces pour les familles
monoparentales sont financées au détriment des autres familles !
Comme je l'ai dit en introduction, l'offensive est majeure dans la
branche maladie : suppression des
cotisations salariales et augmentation de la CSG, nouvelles
exonérations dans la foulée du CICE. La fiscalisation devenue
dominante dans l'assurance maladie s'accompagne d'une montée en
puissance des complémentaires dans l'organisation des soins comme
en témoigne l'article 15 du PLFSS (reversement des complémentaires
à la sécu pour les nouveaux modes de rémunération).
D'ailleurs selon une ordonnance en préparation,
une assurance privée pourrait devenir
gestionnaire d'un centre de santé, changeant complètement
le sens de ces structures, pouvant ainsi devenir source de
profit).
C'est plus discrètement que le gouvernement touche aux
retraites : une simple préparation
insidieuse pour les réformes à venir ! Car entre réformes passées
et flexibilisation de l'emploi, le niveau des retraites a baissé
et la branche est à l'équilibre. Difficile donc une nouvelle
réforme, sauf à la rendre "indispensable", "souhaitable" ! Tel est
le sens caché de l'intégration dans le régime général des
indépendants, des artistes .. : un aspect progressiste, en faisant
bénéficier du régime général plus avantageux ces professions, mais
au détriment de l'équilibre de la CNAV, et sans doute avec
l'arrière pensée d'un mouvement plus large de fusion des régimes
spéciaux dans le régime général, y compris pour des professions où
les avantages à la retraite sont la contrepartie de salaires
réduits !
Le PLFSS dans le détail
Je ne vais évidemment pas citer ici les 57 articles du PLFSS,
d'autant plus que j'avais déjà écrit dans ce blog à ce sujet après
la conférence de presse de la ministre de présentation (à
retrouver
ici) mais vous donner une idée de son contenu en m'attardant
sur certains articles. Selon la structure classique d'un PLFSS,
les articles 1 à 3 concernent les budgets 2016 et 2017 de la sécu.
L'article 4, s'il ne concerne pas des masses financières
importantes, est caricatural :
suppression
de la C4S. C'était une contribution additionnelle payée
par les entreprises dont le chiffre d'affaire dépasse 1 milliard.
Quand le gouvernement dit que sa politique, c'est pour les petites
entreprises ! Les deux articles suivants concernent 2017.
Ensuite
défilent
les deux mesures phares de ce PLFSS, la suppression des
cotisations maladies salariées et l'augmentation de la CSG, les
exonérations de cotisation pour faire suite au CICE, cela en 2019.
Je n'y reviens pas. L'article 9 concerne les créateurs
d'entreprise : rien à dire à ce que des facilités soient accordées
: on connait tous d'anciens chômeurs à qui il a été conseillé de
créer leur entreprise et qui bossent largement plus que 35 h pour
moins que le SMIC, mais il est amusant ... ou triste (?) de voir
que le seuil de revenu au delà duquel les facilités cessent est
bien au dessus de celui des retraités exonérés de la hausse de la
CSG. L'article 10 consacre des facilités administratives. Encore
une mesure phare avec l'article 11 et la suppression du RSI. Puis
vient la hausse du prix du tabac, le verdissement du barème de la
taxe sur les véhicules de société, du bricolage sur le prix des
médicaments, pas du tout à la hauteur de ce qui serait nécessaire
vis à vis de ces pilleurs de la sécu que sont les laboratoires
pharmaceutiques. J'ai déjà parlé de l'article 15, augmentant les
reversements des organismes complémentaires à la sécu et de
l'article 16 (intégration du régime des artistes). Les articles 17
à 24 sont de technique financière et je vous en fais grâce (une
technique évidemment sous-tendue par la philosophie décrite plus
haut !).
Après trois articles sur la branche
famille et l'amélioration pour les uns,
financée par les autres, c'est la même technique pour les
retraites : revalorisation du minimum
vieillesse mais décalage dans la revalorisation des autres
pensions (Très hypocritement, c'est pour aligner toutes les dates
de revalorisation au 1er janvier !)
Puis c'est la branche
Accidents du
travail/Maladies professionnelles avec du bricolage par
rapport à l'amiante, pas du tout à la hauteur de ce drame humain
et la concrétisation dans le budget de l'ordonnance sur le compte
prévention : j'ai déjà dit ici ce que j'en pense (à retrouver
en
cliquant ici).
Vient l'article 34 sur les 11
vaccins
obligatoires : si je suis certaine de l'intérêt de ces vaccins,
(ils évitent de toute façon plus de maladies qu'ils n'en créent),
il est tout à fait dommage que cela ne s'accompagne pas de
financement de recherches pour les rendre encore plus surs !
C'est ensuite une série d'articles concernant l'
assurance maladie qui se termine avec ce
scandaleux ONDAM (objectif national de dépense d'assurance
maladie) à 2,3%. Le gouvernement se vante que c'est beaucoup
d'augmentation, sauf qu'il y a eu les revalorisations salariales
(trop minimes d'ailleurs pour les personnels) décidées par le
gouvernement précédent ... et que pratiquement la moitié de cette
augmentation va être mangée par l'inflation : 0,9% en Aout de
cette année sur les douze mois précédents selon l'INSEE.
L'évolution naturelle des dépenses de santé est évaluée au minimum
à 4,5%. Cela va encore entraîner des difficultés insurmontables
dans les hôpitaux. Alors, la Buzyn, elle a trouvé la solution : la
pertinence des soins et affirme que 30% des prescriptions ne sont
pas pertinentes et dans le débat à l'Assemblée Nationale vendredi
soir, elle a donné des exemples : "
Beaucoup d’entre nous ont déjà
reçu un patient se plaignant de douleurs nécessitant un scanner.
En attendant de passer ce scanner deux ou trois semaines plus
tard, le médecin prescrit une radio : il sait qu’elle n’apportera
pas de réponse, mais cet acte permet de faire patienter le malade
et de le rassurer. Voilà un acte non pertinent ! De même, beaucoup
d’entre nous ont déjà vu, lors de visites à l’hôpital, des malades
hospitalisés pendant une semaine, attendant un acte de chirurgie,
à qui l’on faisait tous les jours des prises de sang pour
justifier leur séjour hospitalier." Ces exemples sont des
réalités, même si je doute que cela représente 30% des
prescriptions. Sauf que plus on impose des économies par en haut,
plus ces attentes se multiplient avec les dépenses collatérales et
que ce sont bien des moyens nouveaux, dans le premier exemple de
Mme Buzyn, des scanners et des radiologues, qui permettraient à
terme de faire des économies. Et oui, il faudrait former des
médecins, supprimer le numérus clausus ! Le reste est à l'avenant
: sans supprimer la T2A, ce mode de tarification qui a été utilisé
pour étouffer les hôpitaux, elle propose des modes de financements
complémentaires alternatifs, des dérogations pour innovation, la
télémédecine, dans un embrouillamini où les bonnes intentions se
mélangent au pire et qui, faute de moyens et de personnels
médicaux et paramédicaux sont de toute façon vouées à l'échec :
Les difficultés de coordination, si souvent décriées, ce sont
avant tout des personnels constamment débordés, le manque de
secrétaire ...Et pour donner un exemple du pire, il y a l'article
50 sur l'efficience du service médico social proposant la
suppression de l’opposabilité des conventions collectives de
travail aux établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS)
signataires d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens !
Quant on sait les conditions déjà actuelles de travail et de
salaire de ces personnels.
Je vous ai mis en vidéo l'intervention
générale de Pierre Dharréville, député communiste des Bouches
du Rhône sur ce PLFSS. Les interventions des
députés communistes ont été très nombreuses pour critiquer, mais
aussi proposer. D'ailleurs un amendement du groupe communiste a
été retenu demandant au Gouvernement de remettre au Parlement un
rapport sur l’exposition des salariés aux risques chimiques, un
rapport portant notamment sur les conséquences de l’exposition à
ces risques sur la santé des salariés, les actions de prévention
existantes, ainsi que les coûts de prise en charge induits pour la
sécurité sociale.
L'Agence Régionale de Santé élabore
actuellement sa stratégie pour les années à venir. Le premier
document, le cadre d'orientation stratégique, les orientations
pour les dix ans à venir, a changé depuis le printemps, témoignant
de la richesse des contributions, de l'implication du personnel de
l'ARS engagé dans ces travaux et ceci montre à quel point l'envie
domine d'améliorer la santé dans le Grand Est : une immense bonne
volonté et un gâchis phénoménal !
Même l'analyse du déficit de la sécurité sociale est intéressante
dans ce texte ; il pointe le rôle du chômage !
Mais la conclusion dictée est implacable : il
faut faire des économies ! Pourtant on y apprend que les
dépenses de santé dans le Grand Est représentent 8,5% de la
dépense nationale, alors que la population compte pour 8,7% de la
population française et que la mortalité "prématurée", la
mortalité avant 65 ans, a un indice de 192 dans le Grand Est alors
que le chiffre est de 187 en France. Ce même indice atteint 199 en
Lorraine, 212 en Champagne Ardenne et même 226 dans les Ardennes
et en Haute Marne (225 dans les Vosges).
Ce document fourmille d'excellentes analyses. Mais, même la
reconnaissance du problème lié au manque de médecins est masquée !
Dans l'avant projet du printemps, l'orientation stratégique n°2
était "Agir sur la démographie et la formation des professionnels
de santé". C'est devenu plus discrètement le levier stratégique
n°6 sous l'intitulé "
Adapter la politique de ressources humaines".
Une catastrophe sanitaire s'annonce avec l'importance des départs
en retraite de médecins généralistes prévus dans les cinq ans,
alors qu'il en manque déjà tant et que de plus en plus de gens se
retrouvent sans médecin référent. Comment peut on se satisfaire de
lire que les 3 UFR de la région ont un "
numérus clausus médical
important" ? Plus globalement, c'est toute la politique
prévue de "ressources humaines" qui est totalement désadaptée aux
besoins Il y aune faille immense dans les économies attendues par
le développement des hospitalisations ambulatoires : les besoins
de personnels sont appréciés en fonction du nombre de lits, mais
le raccourcissement des durées d'hospitalisation intensifie les
soins, avec des conséquences dramatiques sur la qualité des soins
malgré l'immense dévouement des personnels, malades de ne pas
réussir à faire tout ce que l'on attend d'eux. Sans parler des
maisons de retraite, qui accueillent des personnes de plus en plus
dépendantes ... sans plus de moyens.
J'avais largement abordé dans mon précédent article sur le PRS (à
retrouver en
lisant
ici) la perte complète de repère entre public et privé.
L'adhésion affichée de ce document à l'idéologie libérale, le
refus du service public ne permet même pas d'imaginer que certains
médecins pourraient souhaiter être salariés, plutôt que
gestionnaire d'une entreprise, car c'est bien en fait le travail
annexe d'un médecin libéral, gérer son cabinet !
La semaine dernière, j'ai participé à la CRSA (commission
régionale de la santé et de l'autonomie) où je représente la
Coordination Nationale des Comités de défense des Hôpitaux et
Maternités de proximité Comme à l'autre réunion de la CRSA à
laquelle j'avais assisté en mai (la Coordination Nationale n'a
qu'un siège de suppléant), je suis intervenue sur la nécessité de
permettre des formes d'exercice salarié de la médecine générale,
de développer des centres de santé. Il y aurait tant de choses à
dire sur un tel document, il faut bien choisir et si les tares les
plus profondes sont liées à la politique nationale, l'impasse
faite sur les centres de santé est bien une spécificité du Grand
Est ! Au printemps, cela m'avait valu la réponse de l'élue
représentant le conseil régional, là celle du directeur de l'ARS,
avec le même mépris pour le travail salarié, pour ceux qui ne
feraient que 35 heures par semaine ! Sans parler de la machine à
décourager les meilleures volontés ! Sur le papier, on bouche des
manques par les professionnels des établissements voisins, sans se
rendre compte qu'ils ont déjà trop de travail, et on romance sur
la notion de parcours, sur la télémédecine, sans se rendre compte
que le contact avec un professionnel à distance, cela nécessite
qu'il soit disponible ! Cinquante pour cent des jeunes médecins
quittent la région. Sans commentaire.
- pas d'augmentation du numérus clausus
- pas de réforme des études pour favoriser l'orientation vers la
médecine générale
- rien pour faciliter le développement d'un service public de
médecine ambulatoire et le salariat des médecins généralistes qui
seraient ainsi dégagés des tâches de gestion.
Bref, juste un peu d'argent pour faire de la surenchère entre
territoires très désertifiés et territoires à peine moins
désertifiés, entre communes qui ont les moyens et communes qui
n'ont pas les moyens de construire une maison médicale, bref,
simplement changer un peu la carte de la pénurie : du gâchis !
Et de la poudre aux yeux, avec la télémédecine, car évidemment, il
y a là source de progrès, mais à condition qu'il y ait des
professionnels pour l'utiliser !
Le gouvernement est en pleine contradiction : son PLFSS (projet de
loi de financement de la Sécurité sociale) est traversé par une
volonté d'étatisation de la Sécurité Sociale, comme d'ailleurs de
l'assurance chômage, avec même concrètement, pour 2018 ponction
d'une partie de la CSG normalement réservée à la sécu pour
alimenter les caisses de l'état (c'est tout l'intérêt pour lui du
décalage entre l'augmentation de la CSG dès le 1er janvier et la
baisse des cotisations salariales étalée au cours de l'année).
Mais par contre, il ne veut pas que l'état prenne ses
responsabilités pour lutter contre la désertification médicale et
propose comme méthode de "faire confiance aux acteurs des
territoires pour construire des projets et innover dans le cadre
d’une responsabilité territoriale". En fait, il obéit à une
logique, celle de l'argent pour les riches !
Je ne reviens pas sur ce PLFSS. J'en ai déjà parlé sur ce blog (à
retrouver en
cliquant
ici). La publication du texte jeudi n'a été l'occasion
d'aucune surprise heureuse. Elle permet tout au plus d'apprécier à
quel point tout est fait pour le patronat, avec un effet bingo
pour lui en 2019 à travers la suppression des cotisations pour les
salaires en dessous de 2,5 SMIC, alors qu'il bénéficiera encore du
CICE, dont l'effet sur l'emploi a bien du mal a être prouvé !
Parlons de la désertification médicale et
regardons concrètement ce qui pourrait être fait :
La suppression du numerus clausus ou tout du moins son
augmentation rapide (en donnant les moyens aux facs d'accueillir
les étudiants) ne résoudra pas l'urgence .. mais cela doit
maintenant faire 20 ans que l'on dit que ce n'est pas la solution
car elle n'agit qu'avec retard. Alors, n'attendons pas 20 ans de
plus !
La réforme des études médicales devrait permettre aux étudiants,
non pas d'avoir des enseignements d'hyperspécialistes (ou tout du
moins pas que), mais une formation plus générale, pas seulement
purement scientifique d'ailleurs mais aussi en psychologie,
sociologie .., leur facilitant l'approche globale de la médecine :
il sera toujours temps pour ceux qui veulent se spécialiser de
creuser leur domaine ! Et, sans doute, plutôt qu'un service
civique pour aller porter la bonne parole de la prévention sans y
avoir été formé, un stage obligatoire chez un médecin généraliste
pourrait leur faire découvrir la richesse humaine du métier !
Le développement d'un service public de santé ambulatoire,
articulé sur le développement de centres de santé, répondrait à
deux aspirations des jeunes médecins : le travail en groupe, mais
aussi le salariat, aspiration fréquente, complètement absente des
préoccupations gouvernementales, alors que le salariat décharge
les médecins de tout ce qui n'est pas travail médical et simplifie
grandement la prise d'un poste ! Pour mémoire, dans les maisons de
santé, les médecins ont un exercice libéral et dans les centres de
santé, un exercice salarié. Le gouvernement devrait donner un
statut d'établissement public de santé aux centres de santé, avec
pour les professionnels y travaillant un statut équivalent à la
fonction publique hospitalière ou de praticien hospitalier pour
les médecins (évitant les contractuels à vie, facilitant les
mutations ...). Ce serait un geste fort. Et il devrait aussi
impulser les créations, en s'appuyant là où les collectivités ou
les mutuelles (les porteurs traditionnels des centres de santé) ne
sont pas volontaires, sur les hôpitaux et tout particulièrement
les hôpitaux locaux et pourquoi pas sur la Sécurité Sociale, une
Sécurité Sociale rénovée, démocratisée ... Je rêve, sauf qu'il y a
urgence sanitaire. La courbe est exponentielle de ceux qui se
retrouvent sans médecin traitant. C'est à cause de cette urgence
sanitaire que mon propos porte essentiellement sur la médecine
générale, même si d'autres spécialités sont aussi très en
difficulté, une raison de plus pour augmenter le numérus clausus.
Face à cette urgence sanitaire, le gouvernement doit prendre ses
responsabilités ! Or il ne les prend pas.
Avec amusement, on constate que la ministre de la santé a mis en
ligne sur le site du ministère sa feuille de route juste avant le
dossier de presse du PLFSS : comme on peut douter que le Premier
Ministre ne lui ait pas adressé depuis un moment, cette
quasi-simultanéité ferait croire qu'elle veut se dédouaner de la
politique des Macron/Philippe ! Rions : il n'y a que cela de drôle
dans ce PLFSS !
Ce sont les exigences du retour à l'équilibre qui sont mises au
premier plan sans la moindre hésitation, comme si c'était le but,
sans la moindre préoccupation pour les besoins de la population
avec sans doute une idée : renforcer le fatalisme ambiant, alors
que d'autres solutions existent et que les profits des entreprises
du CAC40 qui explosent montrent bien où est la voie d'une autre
politique.
Outre cette application du fameux TINA de Margaret Tatcher (There
is no alternative, en Français, il n'y a pas d'alternative), ce PLFSS témoigne du changement de politique :
le soutien au patronat est étalé, sans honte et ne fait même
plus l'objet d'enrobage, avec des choix idéologiques forts :
- le passage de la cotisation à la CSG,
déjà connu, contre lequel les retraités ont dit hier haut et fort
qu'ils n'en voulaient pas. Au delà des conséquences financières
négatives pour une partie de la population, c'est un changement
structurel dépossédant les salariés de ce qui était un salaire
différé, leur retirant tout droit d'expression, là où il faudrait
au contraire renforcer la gestion démocratique de la sécu
par le retour à des élections des administrateurs et avec des
conséquences lourdes à prévoir sur l'assurance chômage. C'est
aussi sortir la protection sociale de l'entreprise, privant les
salariés d'un outil majeur dans la lutte des classes pour
récupérer la plus value qui leur est volée, pour orienter
l'économie vers la satisfaction des besoins et le respect de
l'environnement. Là où le dossier de presse affirme le soutien à
l'activité économique et au pouvoir d'achat, c'est bien le
contraire que ce PFLSS propose : il soutient les profits et les
marchés financiers, à l'opposé de ce que propose le PCF pour un
cercle économique vertueux : faire cotiser les profits financiers
des entreprises pour les inciter à plus investir que boursicoter,
faire surcotiser les entreprises qui ont des politiques
antisociales et antienvironnementales !
- le passage du remboursement de la sécu par celui des mutuelles
avec la hausse du forfait hospitalier
plutôt qu'une revalorisation du financement de l'hôpital par la
sécu, sans même se préoccuper de ceux qui n'ont pas de sécu et en
faisant croire que ce changement sera indolore pour les autres,
alors que mécaniquement il va entraîner des hausses de cotisations
des mutuelles, avec ce que ces cotisations ont d'injuste par leur
non-progressivité. C'est une étape vers la privatisation de la
protection sociale, le déclin de la sécu.
- la charité plutôt que la solidarité,
avec quelques mesures nécessaires comme la revalorisation du
minimum vieillesse ou le soutien aux familles monoparentales pour
la garde des enfants, mais dont l'étroitesse des publics
bénéficiaires va encore renforcer l'opposition entre très pauvres
et à peine moins pauvres au lieu de contribuer à la cohésion
nationale, au bien vivre ensemble !
Pour compléter, mais il y aurait
encore bien des choses à dire,
- le retour annoncé de la sécu à l'équilibre repose en plus sur
une cavalerie budgétaire menteuse :
la CSG est augmentée dès le 1er janvier, tandis que la baisse des
cotisations salariales ne sera complète qu'au 1er octobre. Quand à
la revalorisation traditionnelle des retraites, elle est repoussée
du 1er octobre 2018 au 1er janvier 2019.
- l'accent mis sur la prévention semble plus une normalisation des comportements d'une
population infantilisée qu'une vraie politique d'éducation à la
santé et de réductions des risques !